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Journal d'école
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10 avril 2005

Enseigner l'histoire des enfants

Il est curieux de constater qu’alors que le champ d’investigation des historiens n’a jamais  cessé de s’étendre, sa traduction en termes de programmes scolaires est plus que réduite. Aujourd’hui comme hier, l’histoire à l’école se ramène le plus souvent aux domaines politiques, diplomatiques, militaires, économiques ; parfois, mais relativement peu, surtout pour les élèves les plus jeunes, à l’histoire sociale.

Pourtant depuis, plusieurs décennies, à la suite de Philippe Ariès et de beaucoup d’autres, les historiens ont exhumé une masse de documents touchant à l’histoire de l’enfance et de l’éducation, documents épigraphiques, iconographiques, archéologiques donnant des enfants du passé une image riche et variée.

Pourquoi cette documentation devenue facilement accessible n’a-t-elle pas droit de cité – sauf épisodiquement – dans les programmes scolaires ? Elle offre un attrait immédiat et une exploitation facile pour les élèves de tous âges : il faut voir, en collège, par exemple, l’intérêt spontané que manifestent les élèves et leur étonnement – « comment, il y avait donc des enfants autrefois ? » - dès que  l’on évoque des figures de leur âge. La curiosité aidant, les apprentissages n’en sont que plus aisés. Tant en ce qui concerne les aptitudes, les capacités à développer chez les élèves, que les repères chronologiques à acquérir, l’histoire de l’enfance devrait pouvoir accéder à la légitimité de connaissance historique scolaire, autant, sinon plus que tout le reste.

A cet intérêt purement pédagogique , s’en ajoutent d’autres, d’une nature un peu différente qui touchent à la nécessaire démystification de l’histoire à l’école, enseignement pour lequel, dans bien des cas, le héros prend la figure du grand homme et le grand homme, trop souvent encore, la figure du guerrier. A bien y regarder, on peut se demander si la facilité avec laquelle l’opinion publique accepte sans recul les abus et les injustices découlant d’une certaine raison d’état, voire les violences d’une morale d’état ne sont pas, pour partie au moins, la conséquence de programmes scolaires qui font la part trop belle à l’édification de l’état et à la promotion de l’homme d’état ; l’épisode du vase de Soissons, où la brutale sauvagerie de Clovis se trouve métamorphosée aux yeux de générations d’écoliers en un acte de courage politique,  n’est sans doute pas le plus approprié pour faire naître chez l’adulte que deviendra l’élève un regard critique, une appréciation morale autonome sur les dérives autoritaires et abusives de tout gouvernement, quel que soit le lieu, quelle que soit l’époque.

L’histoire des enfants offre également la possibilité  de dépasser le cadre étriqué et pervers des frontières nationales. Rêvons un peu : si, à la fin du XIXe siècle, plutôt qu’être gavés des faits d’armes de Charles Martel, de Godefroy de Bouillon et de bien d’autres, les petits Français avaient été autorisés à découvrir le passé des enfants de l’autre côté du Rhin, sans doute se seraient-ils rendu compte à quel point ces enfants leur ressemblaient et combien les discours haineux et guerriers déversés par les nationalismes d’alors pouvaient être stupides et illégitimes. Ces enfants, comme ceux d’ « en face », qu’on leur présentait comme « l’ennemi », ne seraient alors sans doute pas morts, comme ça, bêtement, quelques années plus tard, dans les tranchées de Verdun ou d’ailleurs.

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