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Journal d'école
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25 mai 2005

Morale de procureur

Avec l’instauration de « stages de citoyenneté », le procureur de la République de L*** se livre à une curieuse innovation dans la répression de l’inénarrable et indéfinissable délit « d’outrage » (Ouest France, 25/05/05). Curieuse, car censée s’appliquer à des faits qualifiés par la loi Perben du 9 mars 2004, de « petites infractions à caractère raciste ou injurieux. »

Comme chacun le sait, le racisme n’existe pas dans notre département, ce qui permet au procureur d’affirmer avec un parfait aplomb que comme « les phénomènes de racisme ne sont pas très fréquents en M*** (...), nous avons pensé qu’il serait plus judicieux d’utiliser ce type de stages pour tout ce qui est contestation de l’autorité (...) c’est-à-dire les outrages vis-à-vis des policiers et des gendarmes, mais aussi des agents HLM, employés SNCF, des personnels de santé ou des inspecteurs du travail. » On laisse à Monsieur le procureur la responsabilité de ses propos sur le racisme et de concentrer ses efforts sur les outrages à policiers. La référence aux inspecteurs du travail ne fait effectivement pas très sérieux ; on imagine mal un employeur ayant reçu un inspecteur du travail avec des menaces, condamné à un « stage citoyen » dans les locaux de la CGT, ou un policier insultant un Arabe obligé d’aller faire le ménage à l’antenne locale du MRAP. Là, je viens d’écrire une bêtise : un flic qui irait faire le ménage au MRAP, ça peut faire des dégâts. Partis comme on est, ça viendra peut-être.

Le maire d’A***, petite bourgade voisine, en dénonçant le « relâchement dans les écoles », en regrettant la belle-époque-de-la-leçon-de-morale-obligatoire-chaque-matin qui inculquait « le respect du bien public » – c’est sûr, les agriculteurs de sa commune, n’ont jamais saccagé que le bocage et pollué les cours d’eau – a au moins le mérite, lui, de désigner la cible de cette nouvelle forme de répresssion : le jeune. Si l’on reconnaît à Monsieur le procureur une solide constance dans la désignation des jeunes comme boucs émissaires (cf le harcèlement contre le cannabis), si la maison d’arrêt de L*** est pleine à craquer (160 détenus pour 80 places), remplie de jeunes, justement, de pauvres et d’immigrés, il n’est pas sûr que cette répression à tous crins soit de nature à résoudre les problèmes de la jeunesse, de la pauvreté ou de l’immigration. Enfin, ça rassure toujours l’électeur.

L’annonce de cette initiative du procureur tombe bizarrement le jour où, à Paris, des lycéens sont jugés pour, justement, « outrages à agents », suite aux manifestations de février dernier. Cette pénalisation des mouvements sociaux, légitimes en démocratie, est à juste titre dénoncée par la Ligue des droits de l’homme et d‘autres mouvements comme la marque d’une justice politique destinée à étouffer toute vélléité de contestation ; alors, que ce soit le moment choisi, à L***,  par le procureur de la république, pour signaler à l’opinion sa volonté de punir « la contestation de l’autorité », ne peut que faire naître une légitime inquiétude chez les délinquants...pardon, chez les citoyens.

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