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Journal d'école
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10 septembre 2005

Quand l'école de la république fait le lit de l'extrême-droite

Attention ! Dans le texte ci-dessous, regardez bien où s'ouvrent et se ferment les guillemets...

 

L'école d'aujourd'hui est "une machine à produire de l'échec (...) Comme on ne peut obtenir que tous les élèves soient également intelligents, on préfère qu'ils soient tous également ignorants". La faute en incombe aux "pédagogues soixante-huitards. (...) Les professeurs sont devenus des animateurs (...). Des générations entières sont sacrifiées (...) la jeunesse est ensauvagée".

 

L'école devra "réhabiliter les notions d'effort, de mérite, de morale. Elle se fondera sur l'émulation et le mérite (...). Les contrôles en fin de cycle seront rétablis, entrée en 6e, fin de classe de 3e etc (...). Les programmes comporteront obligatoirement l'acquisition de la pratique de la lecture par la méthode syllabique...le niveau avant la 6e (sera) constaté par examen (...). Le collège unique sera supprimé (...). L'école a pour mission de transmettre aux générations futures la France et le patrimoine spirituel et matériel de sa civilisation (...). L'histoire et la géographie, privilégieront la France et son identité. Notre hymne national comme le respect de notre drapeau seront appris dans les classes primaires (...). Il faut réhabiliter les enseignements qui confortent l'identité nationale. L'enseignement de l'histoire privilégiera les connaissances de notre continuité nationale en mettant l'accent sur les pages glorieuses de notre passé. (...) Le port des signes communautaires ostentatoires (foulard islamique, kippa, etc) sera interdit (...). Les forces de l'ordre pouront pénétrer dans les établissements scolaires".

 

Non, ceci n'est pas un brouillon de la loi Fillon, ni une nouvelle publication de « Sauvez les lettres », pas davantage un communiqué de la docte Association des Professeurs d’Histoire-Géographie, ni une prise de position du SNES, pas plus qu’un article du Figaro, de Marianne ou de tous ces organes de presse, qui depuis des années, tirent à boulets rouges sur l’école d’aujourd’hui pour en appeler au retour des bonnes-vieilles-méthodes-qui-ont-fait-leurs-preuves, non, ces passages entre guillemets sont tout simplement la retranscription du programme éducatif du Front National (tel qu'on peut le lire sur le site internet dudit parti). Force est de constater qu'on lui a coupé l'herbe sous le pied, à ce pauvre Jean-Marie : il s'échine depuis tant d'années à se faire élire président alors que son idéologie a pignon sur rue dans l'Education nationale ! On ne lui reprochera pas, à Le Pen, de défendre ses idées, par contre on a tout lieu d'être consterné de voir comment cette lepénisation de l'éducation s'est réalisée - parce qu'elle l'est, effectivement - avec la complicité, consciente ou non, d'une bonne partie des enseignants. Que ce soit la dénonciation des "pédagogues soixante-huitards", des méthodes de lecture, du collège unique, des "sauvageons" (on se souvient de l'auteur de la formule ?), le rétablissement de la Marseillaise suite à un amendement déposé par un député proche de l'extrême-droite et le retour des valeurs nationales (on n'ajoutera rien sur la question du foulard pour ne pas jeter de l’huile sur le feu), tous ces thèmes ont été, depuis quelques années, remis au goût du jour, non seulement par Fillon, Darcos et Cie mais aussi par toute une mouvance s'affichant ouvertement de gauche ou d'extrême-gauche. Avec cet argument qui confine au sophisme : pour empêcher Le Pen d'accéder au pouvoir, reprenons ses idées ! Une certaine idée de l'école de la république et, sans doute même, de la république, conduit tout droit au Front National.

 

Le fait qu’aujourd'hui, l'école soit devenue le champ d'expérimentation de l'extrême-droite ne résulte pas d’une infiltration venue de l’extérieur, du travail de sape d’une quelconque 5e colonne mais peut-être, plus simplement, d’une similitude, d’une connivence souvent inconsciente entre certaines valeurs éducatives partagées en commun par la gauche et le Front National : une conception de la discipline réduite à de simples exigences d’obéissance, l’élève à qui on refuse le statut de personne, l’enfant à faire rentrer dans un moule, une incapacité maladive à imaginer une forme d’intégration au groupe, de vie en société, qui s’épanouisse en dehors du cadre national, la morale ramenée à des leçons de morale, la nostalgie d’un prétendu âge d’or scolaire qui n’a en fait jamais existé, tout ceci se retrouve, à des degrés divers, parfois sous des formulations différentes, sur un très large éventail politique. On voit bien en quoi ce mode de pensée donne une légitimité accrue au Front National, au point qu’on ne peut exclure que les prochaines échéances électorales ne laissent le choix à l’électeur qu’entre une droite dure et brutale (Sarkozy) et l’extrême-droite. Et même si le pire n’est pas toujours sûr, si d’autres alternatives politiques se précisaient, le malaise ne serait pas pour autant dissipé : on ne bâtit pas une société harmonieuse ou, à tout le moins, apaisée, sur un système éducatif regardant obstinément vers le passé.

 

 

B. Girard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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