Choisir entre l'école et sa carrière politique
Pour Royal, la solution aux désordres dans les établissements scolaires a le mérite de la simplicité : il suffit a-t-elle annoncé à Bondy, de « retirer des collèges les gamins qui y font la loi et qui pourrissent la totalité d’un établissement scolaire ». C’est simple, effectivement et ça risque de plaire à certains électeurs mais pour ce qui est de l’efficacité d’une telle mesure, c’est une autre histoire. Les enseignants savent bien que le problème essentiel auquel ils sont confrontés – au-delà des clichés sur les « incivilités » véhiculés par les médias – réside d’abord dans l’inattention des élèves, inattention qui peut dégénérer, suivant les circonstances et les moments de la journée, en bavardages, chahut, désordre. Cette inattention, on en connaît les raisons : une journée de travail ridiculement longue – les élèves français ont la plus longue journée de travail dans toute l’Europe – un calendrier scolaire déséquilibré (par exemple, cette année, dans la zone A, un premier trimestre de 15 semaines, un dernier trimestre de 7 à 8 semaines, entrecoupées de ponts), des programmes scolaires et des méthodes d’enseignement qu’on se refuse à remettre en cause et qui débouchent le plus souvent sur l’ennui. Rester assis à sa place sans bouger ni ouvrir la bouche pendant de longues heures, ramener du travail le soir à la maison alors qu’on est levé depuis tôt le matin, devoir organiser son travail personnel en fonction de l’emploi du temps ou des convenances personnelles des profs, se faire rabrouer à tout propos, parce que, finalement, on ne sait plus comment s'en sortir, jamais les adultes n’accepteraient de subir la vie quotidienne qui est celle d’un collégien d’aujourd’hui. Les solutions sont connues depuis longtemps : la question des rythmes scolaires est débattue depuis plus d’un demi-siècle, celle de la formation des maîtres, inadaptée face au public scolaire d’aujourd’hui, également. Oui, mais pour mettre en œuvre les réformes indispensables, il faudrait avoir le courage de s’opposer aux différents lobbies qui règnent en maîtres autour de l’Education nationale : lobby du tourisme qui impose un calendrier scolaire contraire aux intérêts des enfants, lobby des différentes disciplines, s’arcboutant sur des programmes obsolètes, opposition virulente de certains syndicats (je ne dis pas tous les syndicats, je sais encore distinguer entre le Sgen et le Snes...) à toute remise en cause de leur façon de travailler, campagne de presse éhontée de toute une mouvance ultra-conservatrice (suivez mon regard...)crispée sur le passé. L’ennui, c’est que ces lobbies votent : aucun politique, jusqu’à ce jour, n’a eu le courage de risquer sa carrière en affrontant ouvertement des intérêts aussi puissants et redoutés. On préfère s’en prendre, assez lâchement, à vrai dire, à ces « gamins qui pourrissent un établissement scolaire » et les menacer d’enfermement. C’est plus facile, effectivement, ça peut rapporter gros en bulletins de vote mais ce n’est pas avec ce genre de pusillanimité qu’on résoudra les problèmes de l’école. C’est même tout le contraire : si l’on s’accorde à reconnaître que l’internat peut être efficace sous certaines conditions, lorsqu’il est choisi de plein gré par un jeune et sa famille, dans le cas contraire, il tourne rapidement à la catastrophe. La question scolaire n’est pas soluble dans le clientélisme.