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Journal d'école
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10 septembre 2006

L'école au péril du carriérisme

La rentrée scolaire, c’était aussi la rentrée des hommes et des femmes politiques, surtout de ceux qui postulent aux plus hautes responsabilités. Avec une surprenante unanimité, tous ont affirmé, la main sur le cœur que l’école était pour eux une priorité : « priorité des priorités...priorité absolue...priorité nationale etc », voilà en vrac ce qu’on a pu entendre de tous côtés au moment où 12 millions d’élèves reprenaient le chemin de la classe. Pour un peu, on se serait félicité de cet intérêt massivement manifesté pour les questions scolaires et l’avenir des jeunes. Les propositions émises par nos candidats sont venues bien vite doucher notre bel enthousiasme (un peu feint quand même). Pour l’un, Sarkozy, l’avenir de l’école est dans la remise en cause de la carte scolaire, la généralisation des redoublements, la création d’internats d’excellence (sic) ; ultime audace du candidat, il suggère que les élèves se lèvent lorsque l’enseignant entre en classe. Pour l’autre, Royal, l’avenir de l’école est dans la remise en cause de la carte scolaire, la création d’internats – étonnante, quand même, cette obsession des politiques à vouloir enfermer les jeunes dès lors qu’il y a problème ; son audace à elle, c’est la proposition d’un second adulte dans chaque classe, pendant qu’un premier ferait son cours. La palme de l’imagination revient au candidat Bayrou qui rêve à voix haute de mettre toute la jeunesse en uniforme. Si, après tout cela, l’échec scolaire n’est pas terrassé, si les enfants ne deviennent pas des citoyens savants, responsables et épanouis, c’est à désespérer de l’école. Si donc, on a beaucoup parlé de l’école, on constate quand même que, curieusement, on n’a rien entendu sur l’enseignement. Tout simplement parce que nos politiciens n’en ont pas dit un mot. Rien sur les programmes scolaires, sur les contenus de l’enseignement, rien sur les méthodes pédagogiques, rien sur l’évaluation des connaissances, rien sur la formation des maîtres, rien sur les rythmes scolaires, toutes choses, qui pourtant, font le quotidien de l’école et, à vrai dire, sa justification et qui conditionnent bien davantage l’avenir d’un jeune que des considérations sur les baskets des lycéens ou le policier référent à l’école. On a un peu l’impresssion que, pour les politiques, l’école se ramènerait à un cadre, des murs, des grilles (et des caméras de surveillance), voire des moyens budgétaires, et que, ce cadre ayant été défini, le reste devait s’améliorer comme par magie. Le reste, c’est tout ce qui se passe dans la tête de l’enfant lorsqu’il apprend, lorsqu’il se forme, lorsqu’il grandit, lorsqu’il devient adulte. Nos candidats à la présidence, comme d’ailleurs, les médias qui leur font écho, révèlent ainsi une très profonde méconnaissance des véritables enjeux éducatifs et des mécanismes d’apprentissage, à moins que leur silence ne cache en fait le désir d’éviter les sujets qui fâchent. Et les sujets qui fâchent, on sait bien que ça fait perdre des points dans les sondages et des voix aux élections. Pourquoi Sarkozy, Royal, Bayrou et les autres s’avanceraient-ils sur le terrain miné des programmes et de la pédagogie, champ clos de groupes d’intérêts puissants, organisés, ayant pignon sur rue et leurs entrées dans les médias ? Redessiner le champ des savoirs scolaires alors que les lobbies des différentes disciplines s’y opposent farouchement depuis toujours ? Redéfinir le métier d’enseignant, la formation des enseignants, dont on sait qu’ils ne permettent pas de travailler efficacement avec des élèves qui ne sont plus ceux d’il y a un siècle ? Remettre en cause les rythmes et le calendrier scolaires mais pour ceci s’opposer frontalement à toutes sortes d’intérêts économiques contraires aux intérêts de l’enfant ? Tout cela dans un contexte empoisonné par le discours ultra- conservateur sur l’école, qui se représente l’école du passé, ses méthodes, comme une référence insurpassable et vers laquelle il faudrait revenir. L’actualité éducative de ces derniers mois montre que lorsque l’on souhaite, à peu de frais, gagner des points dans les sondages, il suffit de surfer sur la vague de la nostalgie, de dénoncer la nouveauté, les TPE, les IdD, de s’inventer des ennemis imaginaires, par exemple la méthode globale d’apprentissage de la lecture. En terme de stratégie électorale, il est bien vrai que l’éloge du redoublement s’avère générer davantage de bénéfice qu’une réflexion sur la pédagogie différenciée. Et tant pis pour les enfants concernés dont on sait qu’ils subissent par la suite les effets néfastes d’une sélection anticipée.

Autrement dit, nos politiciens se trouvent confrontés à une alternative relativement simple : choisir entre l’école – c’est-à-dire l’intérêt de l’enfant – et sa propre carrière politique. Ce n’est pas leur manquer de respect que d’affirmer qu’ils ont choisi la seconde option. Pourtant, dans un passé pas si lointain, on se souvient que d’autres avaient fait l’autre choix : Claude Allègre, Alain Savary, par exemple, avaient cherché courageusement, peut-être, parfois, avec maladresse, à promouvoir de nouveaux repères éducatifs qui auraient permis au plus grand nombre de réussir. Voués aux gémonies par la partie la plus conservatrice des milieux éducatifs – et ils parlent fort, ces gens-là, avec des carnets d’adresses bien remplis – ils furent renvoyés du gouvernement comme des malpropres par des responsables politiques qui, en l’occurence, ne manifestèrent pas un sens élevé des responsabilités.

De cette omniprésence du thème de l’école dans le débat politique et du silence assourdissant sur l’enseignement, il n’y a rien de bon à attendre. Les candidats à la présidence de la république n’ont, à vrai dire, aucun programme pour faire bouger l’école. Ce n’est pas un signe de bonne santé démocratique que de lancer à une opinion publique très majoritairement ignorante des questions éducatives, de plus dans un climat malsain où le jeune fait office de bouc émissaire, ce qu’elle a trop envie d’entendre : qu’il suffirait de mettre les élèves au garde-à-vous devant les profs, de les affubler d’un uniforme, d’enfermer en internat les sauvageons « qui pourrissent la vie d’un établissemnt », comme ne craint pas de réclamer une candidate. Tout cela relève de la démagogie et non du projet éducatif. Il reste quelques mois aux candidats pour rendre une copie présentable, mais on a des doutes : ils ont accumulé trop de lacunes et n’ont pas la tête au travail. Ils ont tellement d’arrière-pensées aussi !

http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/08/25/2533354.html

http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/06/05/2026200.html

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