Delirium éthylique chez les sénateurs
On ne sait pas si c’était à l’heure de l’apéro, quand le pastis embrume les esprits, en tout cas les sénateurs ont adopté un dispositif stupéfiant contre l’usage des stupéfiants par les mineurs. Pas pour les majeurs qui, eux, on le sait, ne se droguent qu’au beaujolais ou à la gnole. Jusqu’à 10 ans de prison et 300 000 euros d’amende pour « provocations directes à transporter, détenir, offir ou céder des stupéfiants dirigées vers un mineur ou commises dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration et aux abords de ceux-ci ». A titre de comparaison, 10 ans de prison, c’est à peu près le tarif pour un meurtre sordide ou un assassinat. On a les références morales qu’on peut, quand on est sénateur. Des sénateurs qui n’ont sans doute pas lu les rapports sortis d’un peu partout ces derniers mois montrant à quel point l’alcool était devenu, chez les jeunes, la drogue la plus consommée. Oui mais voilà, pour nos braves parlementaires, non seulement l’alcool n’est pas une drogue, mais c’est un élément de la culture française. D’ailleurs, le lobby de l’alcool est comme chez lui au Parlement et il n’est pas question de se fâcher avec des gens qui vous rapportent de si belles élections. Et 40 000 morts par an. On est même autorisé à se demander si l’augmentation de la consommation d’alcool chez les jeunes n’est pas à mettre en rapport avec une certaine stagnation observée pour le cannabis : pourquoi risquer bêtement la prison pour un joint alors que les grandes surfaces vous ouvrent toutes grandes leurs portes pour leur drogue légale ? Finalement, cette aggravation des sanctions contre les stupéfiants, en contribuant à la consommation accrue d’alcool, ce n’est pas autre chose qu’un signal fort adressé par les sénateurs à leurs copains pinardiers : « Amis électeurs, on vous envoie de nouveaux clients ! »
On dira encore que je fais du mauvais esprit.