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Journal d'école
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25 septembre 2006

La police dans les têtes

Ce serait trop facile d’en rajouter une couche dans une histoire où l’Education nationale s’est ridiculisée comme rarement : cette directrice de maternelle – sait-elle au juste ce qu’est un garçon de 5 ans ? – perdant la tête au point d’exclure quatre enfants de son école soupçonnés d’ « attouchements sexuels » ; l’Inspecteur d’académie approuvant la décision qui permettra selon lui aux jeunes délinquants (présentés comme des violeurs par une partie de la presse comme le Figaro, ce qui ne surprend personne) de « mener une réflexion sans complaisance sur la portée de leurs actes » – on espére pour lui qu’il ne s’est pas relu avant de proférer ces âneries – avant de saisir le procureur de la république. Car cette pantalonnade ne vient pas de rien, elle s’inscrit en droite ligne dans tout un système de pensée, largement popularisé depuis maintenant plusieurs années, qui vise à débusquer la délinquance dès le plus jeune âge et à considérer toute forme d’incivilité, toute déviance, comme le signe avant-coureur d’une vie dissolue. Venue d’Amérique, cette idéologie de la méfiance, du soupçon, s’est répandue en France à travers les médias et les politiciens de droite comme de gauche. On y retrouve pêle-mêle l’Inserm, le rapport Benisti, Sarkozy et sa détestation de la justice des mineurs mais aussi, bien sûr, Royal qui affichait il y a peu son souhait de cadrer les parents, de traquer les incivilités « dès la maternelle », Chevènement, également, qu’on aurait tort d’oublier, qui, avec sa dénonciation des sauvageons, fut sans doute un des initiateurs de la grande trouille devant la jeunesse. 

L’Education nationale s’est laissée gangrener avec, il faut le dire, une bonne dose de complaisance qui confine à la veulerie : dans le cas présent, les adultes ne jouent plus le rôle qu’on attend d’éducateurs mais plutôt celui de serviteurs zélés d’une administration brutale et autoritaire. On n’imagine pas un seul instant que la directrice de maternelle et l’inspecteur d’académie aient sérieusement pensé agir dans l’intérêt des enfants : leur véritable préoccupation fut de se couvrir et de couvrir avec eux la hiérarchie. L’administration dans ce qu’elle a de moins recommandable et qui la conduit régulièrement à toutes les dérives, des moins graves aux pires, avec, toujours, cette excuse : « je n’ai fait qu’obéir ». Etait-ce vraiment si difficile, pour cette directrice, d’alerter les familles, de faire intervenir un psychologue scolaire, peut-être des travailleurs sociaux, ce faisant d’agir en adulte responsable plutôt que d’ouvrir un parapluie pour se protéger elle, son administration, son ministre ? On voit bien où conduit ce discours obstiné, rabâché depuis des années, qui fait du policier l’auxiliaire de l’école : à décharger les enseignants de ce qui est pourtant leur mission – éduquer – pour la confier à d’autres dont ce n’est pas le rôle. Et finalement, une société policière, c’est peut-être ça : un monde où des adultes apeurés ou indifférents abdiquent toute responsabilité, tout esprit critique, refusent de penser par eux-mêmes, au point de s’interdire d’intervenir auprès d’enfants de 5 ans sur une cour de récré pour en laisser la charge à des policiers ou à des juges qui n’ont pourtant dans ce domaine ni compétence ni légitimité.

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Commentaires
L
Si ça peut vous rassurer (moi ça me désole plutôt), ces méthodes restent marginales au moins dans ce que je connais le mieux : en hist-géo dans le secondaire.<br /> Je pense qu'il ne faut pas opposer acquisition d'un vari savoir et méthode "ludique" ou motivante. Je ne vois pas pourquoi il y aurait contradiction entre les deux. C'est là le principal reproche que je fais à certains "auteurs".<br /> Au contraire, combien d'élèves "perdons" nous parce que nous n'arrivons pas à les accrocher ?
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M
Le problème, c'est que ces méthodes, justement, se généralisent, ne serait-ce que parce que par ce biais on croit pouvoir concurrencer tous les stimuli auxquels les élèves sont soumis à longueur de temps. Or, lorsqu'il s'agit de vraiment savoir des choses précises, le "ludique" a ses limites, et c'est là que les écarts se creusent... Pour ce qui est des aphorismes, loin de moi l'idée d'être vexant, mais je trouve qu'on oscille entre lieux communs et idées plus pernicieuses (le prof qui est forcément là pour apprendre quelque chose de ses élèves) voire mensongères (cette idée de coopération dans un système qui se base sur l'individualisme le plus forcené, y compris à l'école. Comprenez-moi bien: je ne suis pas contre la coopération dans l'absolu; mais là, il me semble qu'on l'instrumentalise pour aboutir à quelque chose qui n'a rien à voir avec la définition de départ). Et je vous recommande vraiment la lecture de Michea...
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L
1) je n'ai jamais écrit qu'il fallait généraliser ces méthodes. Je ne cesse d'affirmer au contraire qu'il faut varier au maximum les méthodes d'apprentissage si on veut (vraiment) apprendre à TOUS les enfants.<br /> 2) Si on peut se passer de ce genre de méthodes dans les lycées bon chic bon genre, c'est que les enfants qui les fréquentent y possèdent les bases "culturelles" pour pouvoir suivre sans problèmes un cours magistral. C'est justement parce que je ne veux pas me contenter de perpétuer l'élite sociale que je cherche toujours de nouvelles méthodes afin d'apprendre à tous.<br /> Finalement, là-dessus, on se rejoint mais on ne croit pas aux mêmes solutions.<br /> 3) Je préfère mes aphorismes aux citations de Brighelli et "ma" gauche à celle à laquelle croient encore faire partie les membres de sauvez les lettres par exemple.
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M
Personne ne met en cause votre bonne volonté (c'est peut-être là, hélas, qu'est le problème). Mais j'ai des doutes quant aux vertus réellement émancipatrices de ce genre de méthodes lorsqu'elles deviennent généralisées, surtout dans la mesure où, dans les établissements où se perpétue "l'élite sociale", on évite soigneusement, et à raison, d'y avoir recours. Quant aux aphorismes sur l'éducation que vous publiez sur votre site, honnêtement, c'est beau comme du Allen Carr!<br /> Quant à la "Gauche", dont il est également question sur votre site, je ne saurais trop recommander ici la lecture de deux livres de J. C. Michea: Impasse Adam Smith, chez Flammarion, et L'enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, chez Climats. Personnellement, cela m'a beaucoup éclairé.
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L
Je rappelle que l'objectif de ce cours n'était en rien de débattre sur l'entrée ou non de la Turquie mais de réfléchir à la définition du mot "Europe". Vous confondez l'étude de cas,( le support) et l'objectif !<br /> En agissant ainsi, je ne faisais que respecter le programme.<br /> Je rappelle également que les élèves devaient s'appuyer sur une série de cartes distribuées. Il ne s'agissait donc en rien de "ça se discute" . Ainsi, ils devaient "lire" les cartes pour pouvoir répondre et que l'un des objectifs était donc bien aussi par la même occasion de leur faire apprendre (voilà qui rassurera Fred).<br /> Je n'ai pas perdu ou gaché du temps : le programme me demande de passer une heure sur les limites de l'Europe et les différens sens de ce "mot"<br /> <br /> Dans ce cas pércis, j'ai préféré un court "recadrage" magistral après l'activité plutôt qu'avant. il me semble que les élèves étaient alors plus réceptifs car cet expos" avait alors plus de sens pour eux après cette "recherche".<br /> <br /> Au bout du compte mes élèves en savaient autant que ceux de ems collègues qui ont trvaillé etet quetsion par une heure de magistral .. mais ils ne se sont pas ennuyés, ont appris à croiser des cartes, ont appris un peu la carte de l'Europe (qu'ils ont dû revoir par la suite), ont appris à argumenter ...<br /> <br /> Deus remarques pour terminer :<br /> - il est normal que les élèves soient ignorants sur un sujet avant qu'on ne l'ait étudié avec eux puisque c'est à nous de leur apprendre. Bizarre de vouloir enseigner à des élèves qui "savent déjà"<br /> - la remarque de Fred sur les matières scientifiques ne me semblent pas exacte puisqu'au contraire on y privilégie des démarches inductives.
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