La chasse aux enfants
France 3 rediffusait hier soir le film de Bertrand Tavernier, « De l’autre côté du périph’ », tourné en ...1997, presque 10 ans déjà. Tous les problèmes s’y trouvaient posés : chômage, échec scolaire, urbanisme, ségrégation sociale, brutalités policières, mépris, méfiance et arrogance des dominants pour tous ceux qui ne vivent pas du bon côté du périph’. Ce qui a changé depuis ? Rien. C’est même dans ces années, on s’en souvient, qu’a commencé à se développer le concept de « tolérance zéro » ; le policier remplacerait désormais l’éducateur. Avec les résultats que l’on sait. Pense-t-on que les événements de ces derniers mois, de ces derniers jours, à Marseille ou ailleurs, allaient ouvrir les yeux ? Que l’échec patent d’une politique exclusivement sécuritaire pouvait permettre de poser les problèmes autrement ? C’est même pire que ça : pour les politiciens, unanimes, de la gauche à l’extrême-droite, l’incendie d’un bus à Marseille n’est pas le signe qu’on s’est trompé dans l’analyse de la situation et la politique à mettre en œuvre, non, bien au contraire, cela signifie qu’on n’a pas été assez dur avec les jeunes : les juges sont laxistes (et pourtant les prisons sont pleines à craquer), les policiers n’ont pas les moyens de faire leur travail (et pourtant les lois sarkoziennes leur ont donné tous les droits) et l’école succombe sous les coups des barbares. La plus brutale – mais l’on n’est pas surpris – fut encore Royal s’emportant contre ces « enfants de 9-12 ans qui mènent des guérillas urbaines » (sur Europe 1, hier soir). On l’a bien entendue : alors qu’on n’a toujours pas arrêté les responsables de l’incendie du bus de Marseille, pas davantage que des enfants de 9 à 12 ans ailleurs en France, elle, Royal, a trouvé les coupables : les enfants de 9-12 ans. Il faut dire que ces événements viennent à point nommé pour conforter la popularité d’une candidate qui fait sa popularité dans l’opinion publique, exclusivement sur la dénonciation d’un bouc émissaire : les ados et les enfants (même en maternelle). Il y a quelques jours, de Villiers réclamait qu’on impose un couvre-feu aux mineurs pour la durée des vacances scolaires. Avec les jurys populaires de Royal, ces « enfants de 9-12 ans qui mènent des guérillas urbaines », on pourra enfin les envoyer au bagne à Belle-Ile, à Mettray, à Aniane ou ailleurs. Car finalement, la grande erreur, l’impardonnable erreur de l’après-guerre, ce fut bien celle-ci : celle qui, sous l’influence néfaste de la croyance en l’éducabilité de l’enfant, a conduit le législateur à fermer les bagnes d’enfants. On se sent tellement plus en sécurité lorsque des enfants de 9-12 ans sont enfermés derrière les barreaux...