Quand Ouest France parle d'éducation
En offrant une nouvelle tribune à Jean-Michel Djian, « Education : un vrai débat » (Ouest France, 13/12/2006), Ouest France persiste dans sa croisade conservatrice sur l’école.
http://www.ouest-france.fr/ofedito.asp?idDOC=357263&idCLA=3633
Djian se réjouit de ce qu’un « authentique débat sur l’éducation » se développe dans la campagne présidentielle. « Authentique débat » ? A-t-on bien lu ? Il est bien vrai que du haut de sa chaire à Paris VIII, notre universitaire ne doit avoir qu’une vue très lointaine d’un débat qui, au plan politique, n’a guère dépassé le niveau du Café du commerce. « Du coup – écrit Djian – des sujets perçus comme tabous sont mis sur la place publique. » Mais quels sont ces « tabous » pour notre homme ? Réponse : « L’hypocrisie de la carte scolaire ; le retour à des règles simples de respect et de politesse dans les établissements scolaires ; l’utilité d’impliquer les jeunes du futur service civil dans un soutien scolaire gratuit (sic. Là on voudrait quand même un dessin...) L’impossibilité de passer en sixième si l’élève ne sait pas lire et écrire ; restaurer l’excellence et l’autorité (resic. Là aussi, on demande un deuxième dessin...) etc ». Tout le monde se rend compte que Djian ne fait ici rien d’autre que l’apologie de la politique de de Robien, un ministre dont on s’accorde à reconnaître qu’il est le plus réactionnaire que l’Education ait connu depuis bien longtemps. Et d’ailleurs, la prose est la même : pour Djian, il s’agit de « retour », de « restaurer », de « restauration », c’est-à-dire de revenir au passé ; un passé scolaire fantasmé par les conservateurs, un passé où les jeunes étaient massivement exclus de l’école vers 13-14 ans, où moins de la moitié d’une classe d’âge obtenait un certificat d’études, un passé où l’école était fondamentalement au service d’un tri social : les études longues pour les gosses de riches, le turbin le plus vite possible pour tous les autres. « Qui peut dire à qui appartiennent ces thèmes, tellement on les retrouve aussi bien à gauche qu’à droite ? », poursuit Djian, oubliant de préciser que ces thèmes appartiennent aussi à l’extrême-droite, que la nostalgie éducative et le désir de revenir au passé constituent même le fond de commerce du Front national depuis toujours et que les autres partis politiques, par manque de courage ou par aveuglement ne font aujourd’hui que décliner à leur tour.
Pour Djian, le discours de Sarkozy à Angers le 1er décembre , comme les prises de position de Royal ou de Bayrou , illustrent une « prise de conscience » chez les politiques de la « crise de confiance dans l’institution scolaire ». Au niveau des enseignants, des pédagogues, des praticiens sur leterrain, des voix nombreuses se font entendre pour dénoncer l’ignorance crasse des candidats à la présidentielle en matière éducative et leur manière caricaturale d’évoquer les problèmes : tout obnubilés qu’ils sont par les sondages, ils n’ont ni le temps ni le courage de s’interroger sur les contenus de l’enseignement, les méthodes pédagogiques, les rythmes scolaires, la formation des profs. Aucun d’entre eux ne s’est encore exprimé sur le socle commun de connaissances et de compétences, inclus dans la loi d’orientation qu’ils ont eux-mêmes votée et qui pourrait, s’il recevait un début d’application, contribuer à faire évoluer le système éducatif de façon autrement plus sérieuse que les sempiternels discours sur les sauvageons, le retour de l’autorité ou les tenues vestimentaires des élèves.
Depuis plusieurs années, Ouest France a pris cette très mauvaise habitude de confier sa rubrique éducation à des intervenants parfaitement incompétents pour en parler, choisis le plus souvent parmi les tenants du retour au passé. Le lecteur mérite peut-être une autre considération.
[Sur les choix éditoriaux douteux de Ouest France en matière éducative, voir aussi « Quand Ouest France ne sait plus ni lire ni écrire ni penser », Journal d’école, 04/09/2006.
http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/09/04/index.html]