Les ghettos sont-ils solubles dans les leçons de mots ?
Face à Vincent Cespedes, il est un peu mal à l’aise, Bentolila, le promoteur des leçons de mots à l’école et de la grammaire de grand-père. Alors que le conseiller préféré de Robien développe son antienne habituelle et s’inquiète de ce que « de plus en plus de nos concitoyens sont désormais condamnés à une communication de proximité, de pure connivence et que cet enfermement leur interdit toute chance de surmonter les inégalités sociales qu'ils subissent », Cespedes lui répond :
« Ce qui me gêne, c'est votre présupposé : croire qu'on va rectifier une déficience issue d'une condition sociale ghettoïsée par une politique linguistique. C'est une vision très commode autant pour les ministres de droite que de gauche... qui vous sollicitent tous, comme par hasard ! Or vous inversez totalement les choses. C'est parce qu'on est relégué qu'on n'accède pas à une langue normée et bourgeoise, et même qu'on la rejette. Ce n'est donc pas par une politique de la langue qu'on abolira des différences sociales bien réelles. D'autre part, êtes-vous si sûr qu'ils soient en infériorité linguistique ? Un des piliers de la solidarité en banlieue, c'est au contraire la « tchatche ». C'est-à-dire la capacité de briller à l'oral. C'est même une sorte de défi continuel, là-bas ».
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