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Journal d'école
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25 octobre 2007

Et après la lettre de Guy Môquet ?

Puisqu’aux dernières nouvelles, le gouvernement semble vouloir pérenniser son initiative Môquet-Sarkozy et l’étendre à l’ensemble de la résistance (1), il n’est pas inutile de revenir sur la journée du 22 octobre. Si le chiffre officiel de 93% de lycées où aurait été lue la lettre n’est pas plus crédible que la plupart des statistiques que donne l’Education nationale, il ne fait guère de doutes que l’opération publicitaire à la gloire du président n’a pas été massivement boycottée par les enseignants, comme on aurait pu le souhaiter. Même si beaucoup n’ont fait qu’assurer le service minimum, on constate à nouveau qu’ils n’ont pas été à court d’arguments pour plier devant la hiérarchie. Pour ma part, j’avoue une fois de plus ne pas comprendre comment des gens qui ont un minimum de jugeote ont pu accepter de faire lire la lettre de Môquet devant leurs élèves par des Anciens d’Algérie ou par des parlementaires qui, le soir même, de retour à Paris, votaient la loi sur l’immigration,  la palme revenant aux profs du lycée Michelet à Paris, qui n’ont rien trouvé à redire aux divagations d’un Druon : « je dirai aux élèves : la France est un beau pays qui mérite d’être défendu jusqu’à la mort » (sic). Des profs de Michelet il est vrai à la nuque bien courbe, imperturbables lorsque ce gaullâtre historique les morigène en ces termes : « Les professeurs sont des employés de l’état et ils doivent faire ce que le gouvernement leur demande » (resic). C’était également le point de vue, en 1942, du secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, un certain Maurice Papon. Pourtant, si Sarkozy a enregistré, le 22 octobre, ce qu’on peut appeler un semi-échec – cf sa dérobade au lycée Carnot où il était attendu de pied ferme – il faut reconnaître qu’on ne le doit pas principalement aux enseignants qui se sont manifestés sur le sujet tardivement et pas trop fort. Si l’on met de côté « Journal d’école », qui modestement, dès le 17 mai, tentait d’alerter l’opinion (2), il faut convenir que ce sont des historiens, des intellectuels, qui, à des titres divers, ont fait bouger les choses et réussi – un peu – à faire reculer Sarkozy. L’ennui, c’est que ce schéma semble se répéter. La  journée Môquet prend place dans une série, qui s’allonge dangereusement, d’initiatives visant à renforcer le sentiment d’appartenance nationale chez les jeunes : Marseillaise obligatoire en primaire, amendement provisoirement retoqué sur les « aspects positifs » de la colonisation, développement d’une culture de guerre à travers les programmes scolaires (3), épuration des programmes d’histoire en primaire avec la suppression de toute référence à l’esclavage etc. Toutes ces mesures, pourtant lourdes de sens, n’ont pas suscité beaucoup de réactions dans les établissements scolaires. Soit qu’on les approuve – pacifisme et non-violence n’ont jamais été des valeurs particulièrement prisées à l’école – soit qu’on les juge insignifiantes. Ce en quoi on a bien tort. Car il faut une bonne dose d’aveuglement pour ne pas se rendre compte que ce matraquage idéologique à destination des scolaires s’est accompagné d’une brutalisation officielle accrue à l’égard des étrangers. Lorsque des individus sont convaincus de former un groupe à part - une tribu, une nation - en permanence menacé par l’autre, il n’est pas très difficile pour un législateur mal intentionné de faire accepter n’importe quoi par l’opinion publique. Les lois sur l’immigration, la répression accrue visant les sans-papiers, les brutalités policières, les comptages etniques ou raciaux, toutes ces dispositions qui, mises bout à bout méthodiquement, donnent à la France un visage sinistre, tout cela trouve sa source, au moins partiellement, dans cette conscience nationale que l’Education nationale cherche, par force, à faire émerger chez les jeunes. La simultanéité entre la journée Môquet et la loi Hortefeux ne résulte pas d’un simple hasard de calendrier : elle montre simplement que patriotisme et racisme sont de nature très voisine. La passivité et la complaisance de nombreux enseignants le 22 octobre ne laissent pas d’inquiéter car on peut douter que le gouvernement s’arrête en si bon chemin.

(1)http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_actualite_du_jour/depeches_de_l_educat/&key=20071025&key2=071025143513.pbqox934.xml

(2) http://journaldecole.canalblog.com/archives/2007/05/17/index.html

(3) http://journaldecole.canalblog.com/archives/2007/09/16/index.html

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Commentaires
I
Michelet, c'est à Vanves, pas à PAris !
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