Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'école
Publicité
Archives
28 février 2008

Le socle commun, c'était quand déjà ?

« La spécificité [du socle] réside dans la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes (...) Maîtriser le socle commun, (...) c’est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société ; c’est être en mesure de comprendre les grands défis de l’humanité, la diversité des cultures et l’universalité des droits de l’homme, la nécessité du développement et les exigences de la protection de la planète. » C’est un document très lontain, qui remonte à la plus haute antiquité comme on disait autrefois : les plus anciens d’entre nous auront reconnu là le préambule du socle commun de connaissances et de compétences, paru au Journal Officiel du 11 juillet 2006 et sur lequel Darcos, avec ses nouveaux programmes du primaire vient de tirer un trait de plume (sergent-major). On y lisait même que « la culture humaniste [l’un des piliers du socle] enrichit la perception du réel, ouvre l’esprit à la diversité des situations humaines, invite à la réflexion sur ses propres opinions et sentiments et suscite des émotions esthétiques. »

On chercherait en vain la trace de cet idéal dans les programmes d’histoire-géo présentés par Darcos il y a quelques jours : l’histoire ramenée à l’histoire-batailles avec une succession de dates, une galerie de portraits, choisis presque exclusivement à l’intérieur des frontières nationales, un enseignement où l’élève se voit assigner pour tâche de recopier, de réciter par cœur, un enseignement vidé de sens et dont l’élève ne garde finalement rien. En parallèle, la quasi disparition de la géographie, là encore pratiquement limitée à l’hexagone ; la culture humaniste devra se contenter de cartes du relief, hydrographiques ou administratives. La liste des sous-préfectures n’est pas loin. Une vision non seulement obsolète de l’histoire et de la géographie (1) mais aussi singulièrement pauvre et réductrice : ici, le conservatisme éducatif va de pair avec un appauvrissement des savoirs, des savoirs que les pédagogues et le concept de l’élève au centre étaient censés avoir mis à mal. Avec les programmes Darcos, l’élève n’est plus qu’un récipient vide qu’il faudrait remplir, non pas de connaissances mais de prescriptions administratives dénuées de sens. A la fin de sa scolarité en primaire, un enfant de 11 ans ne connaîtra rigoureusement rien du monde, ni dans le passé, ni dans le présent : l’Afrique, où plusieurs millions de Français ont leurs ancêtres proches, reste une terra incognita, l’Asie avec ses quatre milliards d’habitants n’est pas davantage digne d’intérêt et l’Amérique n’apparaît dans les programmes que lorsqu’elle est « découverte » par Christophe Colomb. Yssingeaux plutôt que Mexico. Cette approche étroitement bornée d’un enseignement dont le rôle officiel, selon les prescriptions du socle, est d’ « ouvrir l’esprit à la diversité des situations humaines », est évidemment porteuse d’une lourde idéologie : ignorer l’autre, ignorer le monde a pour objet de renforcer l’identité nationale, priorité d’un gouvernement qui lui consacre même un ministère à temps plein. L’ennui, c’est que le titulaire du poste est également chargé de l’immigration, ou, plus précisément, de la chasse aux étrangers. En bridant la curiosité pourtant naturelle des enfants à l’intérieur des frontières hexagonales, les programmes scolaires portent une responsabilité certaine dans le développement d’un sentiment, de réflexes de rejet face à l’étranger : la dénonciation des « barbares », récurrente dans les milieux qui ont inspiré ces programmes (Bentolila, Brighelli pour s’en tenir aux plus médiatiques), se nourrit des fantasmes, des peurs irraisonnées, de phobies pour tout ce qu’on ne connaît pas. Non seulement les programmes Darcos (s’ils sont appliqués...) ne sont pas en mesure de réduire l’échec scolaire – il y a même de fortes probabilités pour qu’ils le renforcent – mais leur impact sur les mentalités collectives et les tendances malsaines qui minent la société s’avère certain.

(1) Sur la géographie, on lira avec profit le dernier numéro des Cahiers pédagogiques : « Enseigner la géographie aujourd’hui ».

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Par expérience et par observation de ce que me disent mes collègues, accord total avec le constat de Mathieu-Colas<br /> <br /> (C'est bien, les liens : là ça m'a permis de lire un article du Figaro sans avoir à me taper le reste du journal de Nicolas Mougeotte)
Répondre
L
La Côte d'Ivoire, le Brésil ? Ce n'est pas avec les programmes Darcos que les écoliers en entendront parler : en histoire, comme en géo, RIEN sur le monde. Ce qui confirme ce que l'on sait déjà : les politiques éducatives les plus rétrogrades sont également les moins exigeantes en termes de savoir.<br /> C'est fou ce qu'il peut y avoir comme "idéologie" dans mon commentaire...
Répondre
T
Je me souviens au collègue avoir eu des modules de géographie en focus sur des pays de chaque région du monde... Cote d'Ivoire, Brésil, un des 4 tigres ? (est-ce toujours le <br /> Ca m'évitait de passer pour un sale occidental inculte et colonialiste en disant que la capitale administrative de la Cote d'Ivoire c'est Abidjan (au lieu de Yamoussoukro) en discutant avec un Ivoirien. <br /> <br /> Ca sert à cela, aussi Lubin, la culture, les savoirs. Pas seulement à "former l'esprit kritik", mais aussi à discuter avec des gens, s'interesser à leur monde, parler en connaissance de cause... Mais dans votre couvent cetes vous ne devez pas croiser grand monde.<br /> <br /> PS : au fait, Nantes est-elle en Bretagne oui ou non ? :)
Répondre
T
La réalité n'intersse pas les idéologues obtus (Lubin) ou sincères (Lofi). Ce qui les intéresse c'est de plaquer leurs présupposés et leurs utopies sur la réalité en traitant de fascistes tous ceux qui n'adhèrent pas à leur (non)vision du monde.<br /> <br /> C'est ainsi que la gauche ne voyait pas le goulag dans les 60's, qu'elle n'a pas vu venir les communautarismes, qu'elle n'a pas vu venir les violences urbaines (un sentiment...) Et c'est ainsi qu'elle perd les élections. Mais si vous préférez continuer à jouer aux cartes dans les caves des IUFM quand tout s'effondre autour, c'est votre problème.
Répondre
L
Mathieu-Colas ou Bentolila : lorsqu’un linguiste s’exprime dans le Figaro, on ne voit pas vraiment la différence. C’est « la crise de l’Education nationale », puisqu’on vous le dit. La preuve, c’est que « tout le monde s’alarme », donc, si c’est « tout le monde » c’est que c’est grave. Preuve étayée par une rigoureuse enquête : notre universitaire tire ses conclusions des confidences d’ « une collègue du secondaire qui, un jour, lui a raconté » que etc etc. Et d’ailleurs, les statistiques ne manquent pas, comme cette étude approfondie menée par notre homme sur quelques uns de ses étudiants, montrant que 25% ne comprennent pas le sens du mot xénophobie. Une enquête Opinionway, sans aucun doute. Au Figaro, ça fait un demi-siècle qu’on trouve quelques plumitifs pour écrire ce genre d’âneries ; on en trouvera d’autres dans un demi-siècle.
Répondre
Publicité