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Journal d'école
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30 avril 2008

Glaciation

Sauf concessions à la marge, Darcos a donc entériné les programmes du primaire, ouvrant ainsi la porte à la plus formidable régression éducative qu’on ait vue depuis bien longtemps. Si cette décision trouve assez naturellement sa place dans la ligne politique du gouvernement actuel, on est frappé une nouvelle fois par la brutalité et l’arrogance du ministre, ses mensonges perpétuels, la manipulation des faits, et surtout cette  volonté obscène de faire passer pour des démolisseurs d’école tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Se félicitant d’une « consultation ouverte et transparente », alors que la concertation n’a été que de pure forme, les décisions prises dans le plus grand secret depuis plusieurs mois, les manuels scolaires déjà édités, il se lance en attaques grossières contre les « comités d’experts auto-proclamés », autrement dit les enseignants qui ont simplement l’audace de penser que les programmes de 1923 ne sont peut-être plus adaptés au contexte du 21e siècle. Les « experts » de Darcos, on les connaît : ce sont ces groupuscules ultra-réactionnaires, qui ont leurs entrées au ministère – alors, au passage, que Darcos n’a jamais ouvert sa porte aux mouvements pédagogiques – et dont il a repris in extenso toute l’idéologie. Des groupuscules dont l’objectif avoué consiste, avec les méthodes d’autrefois, à rétablir une école de classe. La remise en cause du collège unique est l’étape suivante. La posture de Darcos est ici exclusivement dogmatique, idéologique : il ne s’agit évidemment pas de faire réussir les élèves mais de donner satisfaction à un mouvement de pensée très minoritaire mais dont les conceptions rétrogrades ont été popularisées par les médias tout ignorants des questions éducatives ou par quelques plumitifs à la mode à la recherche d’une notoriété et de gains faciles. S’essuyant les pieds sur la loi d’orientation votée en 2005 par le Parlement, Darcos prétend sans rire que c’est à la « nation » de définir la politique éducative d’un pays, alors que c’est dans le secret de son cabinet, sans débat, à la sauvette, qu’un quarteron d’intégristes à la triste figure s’est vu reconnaître un pouvoir d’influence et de décision digne d’une république bananière. La réforme Darcos, par ses allures de putsch, c’est aussi un nouveau coup porté à la démocratie. Ou à ce qu’il en reste.

Pour conclure, je renvoie le lecteur à la très dense analyse d’André Ouzoulias, qui démonte les mensonges de Darcos et de ses inspirateurs. A lire intégralement sur le site du Café pédagogique.

"Le ministre semble s’obstiner à faire passer, à coups d’arguments catastrophistes, le projet de programme qu’un cabinet occulte a griffonné en compilant les brochures des groupuscules « antipédagogistes » (GRIP, SLECC, Sauver les lettres, etc.), à contre-courant de l’évolution pédagogique internationale. Si ce projet est maintenu, l’opinion et la représentation nationale doivent savoir qu’il n’en résultera pas seulement une multitude de conflits stériles, des maîtres démoralisés, une baisse de l’efficacité de notre école et un long hiver pédagogique. Ce sera aussi la fin du « Socle » lui-même — pourtant voulu par l’actuel Premier ministre — à peine né, aussitôt mort et enterré. L’occasion historique qui était offerte à M. Darcos de redonner un élan à l’école de la République aura été pitoyablement gaspillée. Pour longtemps."

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Commentaires
L
"Un mouvement puissant dans les pays francophones...".<br /> On rigole. En Suisse romande, le mouvement puissant en question consiste surtout en une campagne menée par des médias proches de la droite populiste (comme en France).<br /> Pour ce qui est du Québec, il faut quand même savoir que ce pays est depuis toujours à la pointe de la recherche pédagogique et que les "conservateurs" québecois seraient considérés en France comme de dangereux progressistes. Le problème, avec l'école française, c'est qu'elle n'a jamais fait sa révolution pédagogique, restant coincée sur des schémas obsolètes.
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M
"Prétendre, comme le fait Darcos, que les comparaisons internationales montrent l'école française "tout au bas du tableau" est un grossier mensonge, puisqu'il suffit de lire ces enquêtes pour voir qu'il n'en est rien."<br /> Résumons: quand c'est le Café Pédagogique, le Monde pédagogique ou le CRAP qui nous disent qu'il faut absolument changer, et que les comparaisons internationales nous en font un devoir, parce qu'en France on est nuls, c'est bien, beau et honorable; mais si l'argument est repris par quelqu'un qui n'est pas du sérail, c'est maaal et c'est un "grossier mensonge". On n'est même plus dans la "simple" duplicité, là; on est dans la doublepensée orwellienne.
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V
"Mais le ministre semble s’obstiner à faire passer, à coups d’arguments catastrophistes, le projet de programme qu’un cabinet occulte a griffonné en compilant les brochures des groupuscules « antipédagogistes » (GRIP, SLECC, Sauver les lettres, etc.), à contre-courant de l’évolution pédagogique internationale. "<br /> <br /> En matière de grossier mensonge, Ouzoulias n'a de leçons à donner à personne. Il ressucite la théorie du complot des forces occultes des groupuscules "antipédagogistes", et omet de préciser que ceux-ci -à supposer qu'ils n'incarnent pas l'opinion majoritaire, ce qui reste à démontrer (surtout quand on lit les positions du SNES)- reflètent un mouvement puissant dans les pays francophones puisque les récentes réformes de l'enseignement du français au Québec et en Suisse romande s'en inspirent. On aimerait que le pédagogisme, à défaut d'honnêteté intellectuelle, fasse preuve d'un peu de pudeur !
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L
Prétendre, comme le fait Darcos, que les comparaisons internationales montrent l'école française "tout au bas du tableau" est un grossier mensonge, puisqu'il suffit de lire ces enquêtes pour voir qu'il n'en est rien. <br /> Pour le reste, savez-vous, Victor, que je n'ai pas besoin d'une cour pour me sentir exister ? On n'est pas chez Brighelli, ici.
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V
"la très dense analyse d’André Ouzoulias, qui démonte les mensonges de Darcos et de ses inspirateurs"<br /> Ouzoulias, fin jésuite, pratique une fort curieuse "analyse". Il verse dans un pointillisme rigoureux pour tenter de relativiser les enquêtes défavorables à sa propre idéologie mais est incapable de donner le moindre détail sur celles qui confirmeraient son optimisme. Notons au passage que les cris d'alarme précoces comme celui du rapport Ferrier sont soigneusement "oubliés".<br /> Obligé de concéder une chute mémorable du niveau en orthographe qui, concède-t-il tout de même, détermine tout l'apprentissage de la lecture et par conséquent tout aprentissage scolaire, il n'en tire pas d'autre conclusion que... l'irresponsabilité des programmes antérieurs et la nocivité des corrections de Darcos. <br /> Partant de ces biais bien peu rationnels, la prétendue "analyse " se réduit à un pamphlet politique, bien gentillet d'ailleurs puisqu'Ouzoulias en bon soc-dém européen prend soin de défendre le programme de l'OCDE-ERT par un couplet final sur "le socle". Façon de rappeler à Darcos-Sarkozy qu'il ne fallait pas toucher à l'alliance Jospin-Chirac sur Lisbonne et autres saloperies néo-libérales.
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