Glaciation
Sauf concessions à la marge, Darcos a donc entériné les programmes du primaire, ouvrant ainsi la porte à la plus formidable régression éducative qu’on ait vue depuis bien longtemps. Si cette décision trouve assez naturellement sa place dans la ligne politique du gouvernement actuel, on est frappé une nouvelle fois par la brutalité et l’arrogance du ministre, ses mensonges perpétuels, la manipulation des faits, et surtout cette volonté obscène de faire passer pour des démolisseurs d’école tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Se félicitant d’une « consultation ouverte et transparente », alors que la concertation n’a été que de pure forme, les décisions prises dans le plus grand secret depuis plusieurs mois, les manuels scolaires déjà édités, il se lance en attaques grossières contre les « comités d’experts auto-proclamés », autrement dit les enseignants qui ont simplement l’audace de penser que les programmes de 1923 ne sont peut-être plus adaptés au contexte du 21e siècle. Les « experts » de Darcos, on les connaît : ce sont ces groupuscules ultra-réactionnaires, qui ont leurs entrées au ministère – alors, au passage, que Darcos n’a jamais ouvert sa porte aux mouvements pédagogiques – et dont il a repris in extenso toute l’idéologie. Des groupuscules dont l’objectif avoué consiste, avec les méthodes d’autrefois, à rétablir une école de classe. La remise en cause du collège unique est l’étape suivante. La posture de Darcos est ici exclusivement dogmatique, idéologique : il ne s’agit évidemment pas de faire réussir les élèves mais de donner satisfaction à un mouvement de pensée très minoritaire mais dont les conceptions rétrogrades ont été popularisées par les médias tout ignorants des questions éducatives ou par quelques plumitifs à la mode à la recherche d’une notoriété et de gains faciles. S’essuyant les pieds sur la loi d’orientation votée en 2005 par le Parlement, Darcos prétend sans rire que c’est à la « nation » de définir la politique éducative d’un pays, alors que c’est dans le secret de son cabinet, sans débat, à la sauvette, qu’un quarteron d’intégristes à la triste figure s’est vu reconnaître un pouvoir d’influence et de décision digne d’une république bananière. La réforme Darcos, par ses allures de putsch, c’est aussi un nouveau coup porté à la démocratie. Ou à ce qu’il en reste.
Pour conclure, je renvoie le lecteur à la très dense analyse d’André Ouzoulias, qui démonte les mensonges de Darcos et de ses inspirateurs. A lire intégralement sur le site du Café pédagogique.
"Le ministre semble s’obstiner à faire passer, à coups d’arguments catastrophistes, le projet de programme qu’un cabinet occulte a griffonné en compilant les brochures des groupuscules « antipédagogistes » (GRIP, SLECC, Sauver les lettres, etc.), à contre-courant de l’évolution pédagogique internationale. Si ce projet est maintenu, l’opinion et la représentation nationale doivent savoir qu’il n’en résultera pas seulement une multitude de conflits stériles, des maîtres démoralisés, une baisse de l’efficacité de notre école et un long hiver pédagogique. Ce sera aussi la fin du « Socle » lui-même — pourtant voulu par l’actuel Premier ministre — à peine né, aussitôt mort et enterré. L’occasion historique qui était offerte à M. Darcos de redonner un élan à l’école de la République aura été pitoyablement gaspillée. Pour longtemps."