La France a une âme
A Grasse, Hakim Adjimi, 22 ans, est mort à l’issue de son interpellation musclée par la police : « plusieurs témoins ont mis en cause l’action des fonctionnaires qui ont continué, selon eux, à faire pression sur le dos et la nuque du jeune homme, alors que, menotté à terre, il s’asphyxiait » (Libé, 21/05/2008). La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cette technique d’interpellation qui avait déjà coûté la vie à Mohamed Saoud. Mohamed, Hakim, torturés et asphyxiés par des policiers, ce n’est sans doute qu’un malheureux hasard. Heureusement, au pays des droits de l’homme, la justice veille et le procureur de Grasse de s’interroger gravement : « Une fois que la personne est menottée, doit-on maintenir un étranglement jusqu’à l’arrivée des renforts ? » Autrement dit, la police ne ferait-elle pas mieux d’achever tout de suite le forcément coupable ?
Et puis, il y a aussi cette procédure de licenciement ouverte contre une enseignante de 62 ans en Seine-Saint-Denis. On croit savoir – mais on n’est pas sûr - qu’elle ne s’appelle pas Fatima. Je n’en sais pas davantage que ce qu’a écrit la presse (Libé, 21/05/2008) mais il peut paraître surprenant que l’administration ait pu attendre si longtemps pour s’intéresser à une prof à propos de laquelle le directeur de cabinet tranche que si elle devait être licenciée, « ce serait une bonne chose dans l’intérêt des élèves ». Même si l’on se réjouit de voir l’administration se préoccuper ainsi de l’intérêt des élèves, peut-être y avait-il autre chose à faire que le licenciement pur et dur. Je ne sais pas, moi, par exemple recaser la prof à un poste d’inspectrice d’académie comme on vient de le faire pour Teullé, un copain de Sarkozy. Serait-elle plus incompétente que ce dernier ? Humaine et généreuse, l’Education nationale lui versera une indemnité de 17 000 euros.
Quel rapport, me demanderez-vous, entre le procureur de Grasse et le recteur de Créteil ? Aucun, sans doute, sinon que dans les deux cas, on voit bien que l’administration – à l’Education nationale comme à la Justice - a du cœur, de l’âme. Ce que Michelet appelait « l’âme de la France ».