Produits et ministres stupéfiants
C’est plus fort qu’eux : face à un problème, on commence par interdire et sanctionner. Pour les résultats, on verra plus tard. Bachelot, qui ne s’était pas fait remarquer depuis un certain temps, vient d’annoncer un projet de loi visant à interdire la consommation d’alcool chez les 16-18 ans. Au passage, on ne sait pas si elle a pensé en référer à sa collègue Dati qui, de son côté, voudrait abaisser la majorité pénale à 16 ans. Contradiction récurrente chez les politiques qui n’ont de cesse d’infantiliser les jeunes dans leur vie quotidienne tout en leur refusant l’excuse de minorité, l’excuse de la jeunesse lorsqu’il s’agit de punir. Si l’alcoolisme est effectivement une plaie, il serait peut-être intéressant, plutôt que de prohiber et de surveiller toujours davantage, de se pencher sur les intérêts économiques qui l’encouragent (1) et sur les raisons qui poussent à se droguer, légalement ou non. On imagine à l’avance la police tournant autour des établissements scolaires à la recherche de la cannette interdite. Pour le jeune, pris en flagrant délit, faut-il prévoir la comparution immédiate et la prison ? On ne change pas une politique qui échoue, semble être la ligne gouvernementale.
« L’usage des drogues et les abus d’alcool se sont maintenus à un niveau élevé et ont même augmenté ». C’est la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) qui l’affirme dans son plan pour les années 2008-2011. A quoi donc ont servi le déploiement policier et judiciaire exorbitant mis en œuvre en particulier contre le cannabis, les fouilles de voiture aux péages d’autoroute, les très médiatiques descentes gendarmesques dans les établissements scolaires, les lourdes sanctions prononcées par les tribunaux ? A rien. Comme dépénaliser la consommation de cannabis – ce qu’ont déjà fait plusieurs de nos voisins - ne plairait pas à son électorat, le gouvernement a une nouvelle idée : le renforcement de la lutte contre la culture illicite de cannabis. Contre les 200000 cannabiculteurs, la Mildt – précise au Monde son président (09/07/2008) – veut déployer « des moyens de détection innovants (appareils à infrarouge, détection aérienne...) ». On avait bien pensé au Charles de Gaulle mais il est actuellement en cale sèche et les Rafale qui s’écrasent pour un oui pour un non ne sont pas jugés fiables. Satellites et avions espions, drones et merveilles technologiques diverses se voient donc dorénavant attribuer pour mission de détecter les plants de cannabis planqués dans le jardin de mémé. C’est sans doute plus facile que de localiser Ben Laden dans les montagnes d’Afghanistan. La santé publique est une grande et belle chose, n’est-ce pas ?
(1) « Alcool chez les jeunes : vraie victoire ou faux plan ? » (Rue89, 14/07/2008)