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Journal d'école
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14 septembre 2008

Motiver les élèves avec la méthode Darcos

Avec les médailles pour les bacheliers (le Parisien, 14/09/2008), Darcos vient de trouver son nouveau sujet de communication pour les semaines à venir. Le ministère de l’Education nationale semble devenu une agence de pub à temps plein. Pourquoi se priver de recettes qui ont un tel succès auprès des médias ? Dans la presse de ce week end, on ne compte plus les articles, les reportages – en attendant, bien sûr, l’inévitable sondage - vantant les vertus des bons points, tableaux d’honneur, classements, remises des prix et autres hochets qui avaient cours dans les établissements scolaires... avant qu’on ne se rende compte, tout simplement, que tout cet attirail ne servait pas à grand chose, surtout pas à faire progresser les élèves. « La promotion par le mérite – précise Darcos – est l’ une de nos préoccupations depuis le début (...) C’est ce que nous faisons lorsque nous assouplissons la carte scolaire, donnons une priorité de dérogation au mérite ou permettons à 5% des élèves des lycées difficiles d’intégrer les classes prépas ». Au vu des difficultés et des ratages observés autour de la carte scolaire, les élèves « méritants » - pour reprendre la terminologie du ministre – ont quand même du souci à se faire.

Il suffirait donc d’une médaille ou d’un bon point pour motiver les élèves ? C’est aller un peu vite en besogne et oublier par exemple que les distributions de prix et le cérémonial de récompenses étaient aussi une forme de stigmatisation pour tous ceux qui ne décrochaient jamais ni prix ni récompenses et qui pourtant n’étaient pas moins « méritants » que les autres. Contrairement à ce qu’on voudrait faire croire, les classements et les distinctions, loin de favoriser l’émulation entre élèves, entraient dans un processus voulu et assumé d’humiliation et de sélection des plus faibles, qui, comme par hasard, étaient, pour la plupart, issus des milieux les plus défavorisés. Les médailles, dernière trouvaille rétro de Darcos, s’inscrivent parfaitement dans l’idéologie politique du ministre, qui fait de la réussite ou de l’échec scolaire la résultante de qualités ou de tares individuelles innées et sur lesquelles les conditions sociales et surtout le système scolaire n’auraient pas de prise. C’est ça, aussi, le libéralisme : on n’échoue toujours que par sa faute. La « promotion par le mérite » à l’école est en fin de compte une tournure de style qui légitime les sanctions contre ces paresseux de chômeurs. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de savoir que le rétablissement du classement des élèves est une vieille revendication du Front national, qui lui, au moins, assume franchement ses choix...

S’il n’est pas interdit de réfléchir aux rituels ou aux récompenses (puisqu’après tout l’école use et abuse des punitions), on ne voit pas bien pourquoi, face à un problème scolaire, il faudrait toujours se tourner vers le passé pour avoir la solution. Comme si l’école du passé, fondamentalement inégalitaire et générant un échec massif, dans un contexte en outre radicalement différent du nôtre, pouvait servir de modèle ou de référence insurpassée. Existe-t-il, en dehors de l’école, un seul domaine où l’on s’interdise de penser la société autrement qu’à travers le prisme déformant de la nostalgie, en regardant vers les décennies écoulées, comme si tout progrès était inenvisageable ? Pour motiver les élèves, il faut d’abord s’en donner les moyens. Et c’est peu dire que la politique menée par Darcos depuis près d’un an et demi n’est pas de nature à stimuler qui que ce soit : on a tout dit de la désastreuse réorganisation de la semaine à l’école primaire, applaudie – si l’on en croit les sondages - par les adultes-électeurs mais dont les enfants feront les frais. On doute des effets stimulants pour les écoliers des calamiteux programmes du primaire, là encore imposés de force par le ministre et l’on ne sait trop quel cabinet secret,  programmes ennuyeux, répétitifs, prompts à décourager les enthousiasmes enfantins et les meilleures volontés. En collège, les classes de plus en plus chargées – désolé de contredire le ministre également sur ce point mais les premières enquêtes de rentrée montrent des effectifs en augmentation, conséquences de la forte poussée démographique des dernières années – des nouveaux programmes publiés en grand secret en plein mois d’août, une discipline scolaire obsolète, ne sont pas à proprement parler des éléments de motivation. On observera que pour le collège, pourtant le maillon faible du système éducatif, n’en déplaise aux contempteurs de l’école primaire qui ont réussi à jeter sur cette dernière un discrédit qu’elle ne mérite pas, la politique de Darcos consiste à ne rien faire. On voudrait en arriver à la mort du collège unique, cible obstinée de tous les conservateurs, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Dans ces conditions, avec une école primaire résolument renvoyée vers la blouse grise et le tableau noir, un collège à l’abandon, la médaille pour les bacheliers ressemble au mieux à un coup de pub pour le ministre ou, plus vraisemblablement, à une nouvelle mystification.

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Commentaires
M
"A l'approche de Noël, ça sent déjà le sapin pour la droite française si polie et si démocratique !"<br /> nous explique la "gauche" en creusant joyeusement sa propre tombe.<br /> <br /> "Je suis bien content que cet extrait, comme tu dis, ressorte partout, car j'y suis pour beaucoup, crétin !"<br /> Tiens, on a gardé les cagouilles ensemble, Gilles?
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T
Je suis bien content que cet extrait, comme tu dis, ressorte partout, car j'y suis pour beaucoup, crétin !<br /> Désolé de ne pas en avoir fait un buzz mais presque !<br /> Ce qui fait un buzz de plus, total, par contre, c'est la bêtise et la réalité des mesures Sarkos !<br /> <br /> A l'approche de Noël, ça sent déjà le sapin pour la droite française si polie et si démocratique !
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M
Outre que cet extrait ressort régulièrement ici ou là sur le net (pauvre Frédéric Dard, récupéré à son corps défendant, et qui n'en peut mais, de là où il est), on voit mal en quoi il ferait avancer le "débat". Tout ce qu'il montre, c'est que ceux qui s'en servent ont, EUX, un sainte détestation de l'école et, surtout, des profs. Ils peuvent bien être profs eux-mêmes, d'ailleurs: cela ne change strictement rien à l'analyse - ou si, finalement: ça fait peur.
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T
"L'instituteur était un gros homme sanguin dont la blouse grise s'ornait de multiples taches d'encre.(...)<br /> On va faire l'appel, dit-il.<br /> (...)<br /> A l'appel de vos blazes, vous répondez présent si que vous êtes présents, dit l'instituteur, et vous répondez rien, si que vous êtes absents.<br /> (...)<br /> <br /> Barbarin !<br /> <br /> Et le dénommé Barbarin fit claquer ses doigts en appelant, comme un naufragé lance un S.O.S. :<br /> <br /> M'sieur ! M'sieur !<br /> Ah ! non ! explosa l'instituteur, ça va pas commencer le défilé aux gogues ! (...)<br /> C'est pas ça, m'sieur. Y a mon papa qui m'a donné un litre de marc pour vous !<br /> <br /> Le maître d'école sourit de plaisir. Son visage prit une expression d'infinie tendresse et une humidité due à l'émotion emplit ses yeux cléments.<br /> <br /> Montre un peu ! Dit-il.<br /> <br /> Barbarin saisit dans son cartable une bouteille d'eau de vie qu'il porta jusqu'à la chaire du maître. Ce dernier la déboucha (...). Il but une rasade généreuse, clappa de la langue avec satisfaction et décréta :<br /> C'est du chouette. Comment que c'est , ton blaze, déjà, gamin ?<br /> Lucien Barbarin, m'sieur.<br /> Je vais te foutre un 20 en géographie, décida l'instituteur.<br /> Merci, m'sieur.<br /> <br /> Au fond de la classe, Cugnazet, le cancre, fit claquer ses doigts à son tour.<br /> <br /> Quoi t'est-ce ? s'enquit le maître d'école.<br /> <br /> Cugnazet avait dix-sept ans, en paraissait trente, et continuait depuis dix ans d'étudier la table de multiplication. Il avait passé cinq ans sur les multiples de 1 et, depuis cinq autres années, essayait d'apprendre les multiples de 2. Il savait presque par coeur combien faisait 2 fois 1, mais à 2 fois 2, le brouillard commençait.<br /> <br /> Y a ma mère elle m'a donné un sauce, pour vous.<br /> Un quoi ? (...)<br /> Un saucisson !<br /> Fais voir !<br /> <br /> Cugnazet produisit un pur porc de taille raisonnable. L'instituteur fit une estimation honnête :<br /> <br /> - ça vaut un dix-huit en histoire, affirma-t-il."<br /> <br /> SA chez les Gones - F. Dard
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B
C'est l'éducation qui encourage ça.
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