Les mineurs, on s'en fiche...
Et il faudrait crier victoire ? Quelle indécence ! Parce que le gouvernement, surpris par le mouvement d’opinion, a dû reculer sur Edvige, on en oublie qu’il n’a rien cédé sur l’essentiel : le fichage des mineurs. Les homos, les hétéros, les députés, les lesbiennes, les juifs, les curés, les cégétistes ne seront pas fichés – tant mieux pour eux – mais les enfants de 13 ans, eux, le seront. Le principe le plus contestable de ce fichier réside dans la menace qu’il fait peser sur tout individu « susceptible de porter atteinte à l’ordre public », c’est-à-dire tout le monde. Ce qui a été finalement jugé intolérable pour les majeurs ne l’est plus pour les mineurs : tout enfant de 13 ans est un délinquant potentiel. La phobie des mineurs propre à la police s’est insinuée à la classe politique, de droite comme de gauche, avant de gangréner toute la société. Le rapport Benisti, qu’on considérait à juste titre comme sorti d’un cerveau dérangé, trouve aujourd’hui sa concrétisation. Ce revirement du pouvoir, plus apparent que réel, tant le fichage est déjà répandu, constitue en réalité une victoire pour Sarkozy qui s’est fait élire sur la peur des jeunes. Une société qui développe de tels sentiments sur ses enfants est une société bien malade.
Sur le sujet, il faut lire le point de vue de Jean-Pierre Rosenczveig.
« L’enfant, tout le monde peut le dénuder impunément, le mettre au pilori. Tricheurs professionnels, nous jouons contre les enfants avec des cartes truquées en abattant sous les as de nos qualités les petites cartes de leurs faiblesses. Nous nous arrangeons toujours de manière à opposer ce qui est le plus précieux en nous à ce qui est le pire en eux. » (Janusz Korczak, Le droit de l’enfant au respect)