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Journal d'école
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26 octobre 2008

Suicide d'un enseignant : une récupération malhonnête

Dans l’Aisne, un enseignant s’est donc suicidé. Sans laisser d’explication comme c’est souvent le cas. Ce qui n’a pas empêché une large partie de l’opinion publique, téléguidée par une presse approximative, de chercher et de trouver le coupable : un élève de 15 ans qui, quelques jours plus tôt, avait accusé l’enseignant de l’avoir frappé. Si l’on en croit le procureur de la République de Laon, « les faits allégués sont inexacts (...) Tout au plus le professeur a-t-il empoigné le menton de l’élève avec une certaine rudesse pour lui faire relever la tête ». Cette déclaration qui, d’ailleurs, n’établit aucune relation avec le suicide, a suffi pour déclencher contre l’élève une campagne médiatique d’une brutalité et d’une hargne dont on peut mesurer l’intensité à partir de quelques commentaires laissés sur le site de Libération.fr par une horde déchaînée :

« Ce gamin est un gros con et doit aller illico en prison pour avoir menti (...) Salle gosse mal élevé (...) Petit merdeux (...) Abominable petit con (...) Petits salopards (...) Un jour on ira enseigner armés (...) etc ». Diffamation et injures publiques, menaces, à la limite de la légalité, s’affichent ainsi ouvertement par centaines sur le site de ce qui fut un grand quotidien de gauche. Reviens, Serge July, tes lecteurs sont devenus fous... Déjà, il y a trois semaines, quand un élève de CM1 avait frappé une enseignante, on avait pu lire sur le site du même journal des appels à « autoriser les enseignants à cogner à la moindre incartade », à expédier l’enfant (de CM1 !) à l’armée, voire à utiliser le taser. Lorsque, comme c’est présentement le cas, les commentaires sont modérés et que, curieusement, ils vont tous dans le même sens, cela ressemble bien à une ligne éditoriale.

Avec l’affaire du collège de Berlaimont, l’hiver dernier, lorsqu’un enseignant avait violemment frappé un élève de 11 ans – ce qui, au passage, mais on en a moins parlé, lui a valu d’être condamné en Justice - on s’inquiétait déjà de cette atmosphère de lynchage et des appels hystériques à légitimer les coups comme moyen d’éducation. Il serait peut-être temps que le ministre de l’Education nationale, au lieu de jeter de l’huile sur le feu, rappelle à tous et solennellement qu’à l’intérieur d’un établissement, le respect ne peut être que mutuel et que les règles s’imposent à tous, adultes comme élèves. Dans le cas de ce collège de l’Aisne, il serait d’ailleurs bien imprudent – si cela se confirme – de mettre l’élève en examen pour mensonge et dénonciation calomnieuse : on imagine aisément le blocage des tribunaux qui se produirait immanquablement si les parents portaient plainte à chaque fois qu’un enseignant se laisse aller dans ses jugements sur les élèves : « nul...feignasse...abruti...jeune con » et beaucoup d’autres amabilités du même genre ne sont pas rares, comme ces appréciations à l’emporte-pièce laissées avec désinvolture sur les bulletins de notes à seule fin de blesser, de faire mal. C’est cela, aussi, la violence à l’école.

Ce qui est présentement en cause, c’est non seulement l’incapacité notoire des médias, lorsqu’il s’agit d’école et d’éducation, à faire la distinction entre fait divers et fait de société mais également, en donnant au fait divers une place disproportionnée – est-il judicieux que ce qui touche d’abord à la vie privée d’un individu occupe plusieurs jours durant la page d’accueil des journaux ? - de permettre la manipulation malhonnête du débat éducatif au profit d’une idéologie politique brutalement réactionnaire. Le suicide d’un enseignant arrive ainsi providentiellement pour régler des comptes : cette mort, dont pourtant on ne connaît rien, ne peut être que le signe d’une société sans repères, de parents déboussolés, d’un laxisme généralisé. C’est Mai 68 qui a tué cet homme, avec son idéologie permissive et le culte de l’enfant-roi. C’est aussi la faute aux pédagogues avec leur théorie de l’élève au centre, c’est la faute à Françoise Dolto, la faute à tous ceux pour qui l’enfant est d’abord une personne, au même titre que l’adulte.

Ces débordements, ces outrances langagières, qui s’étalent aujourd’hui sans retenue, faisant des jeunes le bouc émissaire d’une société peureuse et désinformée, se développent dans un climat délétère et lourd de menaces. Ils sont en quelque sorte comme une justification  aux projets politiques en cours visant à criminaliser l’enfance. Le rapport Benisti, en 2005, avait sonné la charge, avec la prétention de traquer la délinquance dès l’âge de 3 ans. La ministre de la Justice se déchaîne contre la justice des mineurs et souhaiterait faire incarcérer toujours plus et toujours plus jeune ; et pourtant des mineurs se suicident en  prison. En janvier dernier, avec la signature d’une énième convention Justice-Education, la même Dati affirmait sans l’ombre d’une hésitation : « pour les mineurs, j’ai posé un principe clair : une infraction, une réponse pénale ». Fidèle à sa règle de conduite, la ministre exploite à des fins politiques les faits les plus graves et les plus médiatisés, pourtant très éloignés de la réalité quotidienne des établissements scolaires : il s’agit de faire peur à l’opinion publique avec sa jeunesse. En appeler au procureur pour tout et n’importe quoi débouche sur une voie sans issue. Car si l’on n’accepte plus la part d’ombre, de faiblesse ou d’erreur inhérente à l’élève, à quoi, dans ces conditions, sert l’éducation ?

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Commentaires
S
Visiblement, Théo a pété un plomb. J'espère qu'il n'enseigne pas aux enfants, parce que s'il perd tout sens des réalités en plein cours, ses élèves doivent se retrouver en danger.<br /> A toute fin utile, signalons quand-même que le nombre d'élèves qui trouvent la mort par suicide est incomparablement plus élevé que le nombre de professeurs.<br /> Est-ce la faute des professeurs ?<br /> <br /> Tout dépend comment on prend les choses. Mais il faut reconnaître que pour la plupart des jeunes qui se suicident, l'école est souvent l'un des problème. La plupart ont connu au moins une remarque blessante, une dénonciation calomnieuse, une punition injuste ou trop sévère d'un enseignant.<br /> <br /> Alors, de deux choses l'une :<br /> <br /> Soit on reconnait que le suicide est une chose complexe qui implique de nombreux éléments très divers, et que pour en finir avec la vie, il faut avoir atteint un niveau de souffrance gigantesque et permanent, et il est plus que temps de foutre la paix à ce môme parce que rien, absolument RIEN ne laisse penser qu'il aurait été la cause d'un "niveau de souffrance gigantesque et permanent" (le professeur était en plein divorce et ça ne se passait pas très bien, a-t-on d'ailleurs appris : la perspective de ne plus revoir ses enfants par exemple, ça par contre, ça peut amener à une souffrance gigantesque et permanente).<br /> <br /> <br /> Ou alors on déclare que c'est pratique d'avoir un coupable, que somme toute ce jeune a fait une connerie qui a été blessante pour son professeur, et que donc il est coupable de la mort de l'enseignant.<br /> Et dans ce cas il est temps d'incarcérer l'immense majorité des enseignants français, qui sont tous de cruels assassins sanguinaires qui causent la mort par suicide, chaque année, de quelques dizaines de jeunes !<br /> <br /> <br /> Il faut assumer ses opinions et aller jusqu'au bout de sa logique, quand on cherche ces bouc-émissaires dans le mal-être des enseignants. Parce que niveau mal-être, il se trouve que les élèves en ont à revendre, et que tous les enseignants ne sont pas de blanches colombes incapables d'être blessants.
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J
Posté par Théo, 31 octobre 2008 à 22:15<br /> <br /> Posté par Théo, 31 octobre 2008 à 22:25<br /> <br /> Cet homme souffre, il faut faire quelque chose !
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T
Bien sûr que non, je vous rassure !<br /> <br /> VOUS n'avez pas fini d'en chier !<br /> <br /> A bientôt !
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T
La meilleure façon de marcher est de bosser.<br /> <br /> La meilleure façon de VOUS dénoncer, bande de nazes, reste le suicide !<br /> <br /> Faire un tour en prison, se suicider !<br /> <br /> Vous n'espérez tout de même pas que je vais le faire, bande d'enculés ?
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P
Roblin écrit : "apparemment, l'enseignant à réellement battu l'enfant".<br /> <br /> Et ça ne vous gêne pas de mettre "apparemment" et "réellement" dans la même phrase, par ailleurs magnifique de charabia ?<br /> <br /> Ni d'avoir écrit ça : "Si vous n'avez rien d'intelligent à dire, abstenez vous" ?<br /> <br /> Cher Lubin, avec des amis comme ça, vous n'avez pas besoin d'ennemis !
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