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Journal d'école
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29 novembre 2008

Rapport Varinard : un danger pour les mineurs et pour la démocratie

Si le rapport Varinard préfigure la future loi Dati sur la justice des mineurs, ce ne sont pas seulement les mineurs qui auront du souci à se faire mais plus simplement la démocratie. On avait beaucoup à redouter du travail d’une commission bidon en service commandé auprès de la ministre de tutelle, dans un contexte plus général où la punition et la peur des jeunes sont devenus des éléments-clés d’un pouvoir politique qui n’a malheureusement rien d’autre à proposer pour masquer son échec dans tous les domaines. La prison à 12 ans est la concrétisation, l’ultime avatar d’une campagne obstinée conduite depuis plusieurs années, balisée par des rapports excentriques – Benisti, Inserm – ou par des interventions très médiatiques de pédospsychiatres à la mode (Naouri, Rufo pour n’en citer que quelques-uns), censées prouver la dangerosité des enfants en bas âge, chantant les bienfaits d’une éducation répressive (cf les préférences de Naouri pour une « éducation fasciste » plutôt que « démocratique »), toutes choses qui révèlent surtout les fantasmes de leurs auteurs. Rien ne tient la route dans les propositions Varinard : pas davantage les affirmations mensongères de départ selon lesquelles la délinquance des mineurs serait en augmentation, ou que les délinquants seraient de plus en plus jeunes, alors que toutes les enquêtes – et même les chiffres les plus officiels – ou les travaux d’historiens (1) affirment le contraire : jamais les mineurs n’ont été aussi peu violents qu’à notre époque et dans le tableau des homicides commis en France en 2006, le nombre des mineurs de 13 ans mis en cause s’élève à ...0, le nombre d’infractions qui leur est imputable est de 0,3% du total des délits, huit fois moins important, par exemple, que pour la tranche d’âge des plus de 60 ans. Pourquoi, alors, cette focalisation sur les jeunes, sur les plus jeunes ? Pourquoi, également, cette référence maladive à la prison, institution qui génère un échec massif comme le montrent le taux de récidive à la sortie de prison  ou les récents suicides de jeunes dans des établissements pourtant considérés comme « modèles » ? Pourquoi, alors que la plupart de nos voisins européens ont fixé la responsabilité pénale à 14 ans, que les recommandations officielles incitent à la repousser le plus loin possible, qu’en Espagne on n’incarcère pas avant 21 ans, que le Conseil de l’Europe s’inquiète de la dérive carcérale en France, pourquoi, donc, faudrait-il en France emprisonner des enfants de 12 ans ?

Pour tenter de comprendre cette aberration, on peut invoquer, bien sûr, les minables petits calculs politiciens d’une majorité qui s’est fait élire sur la peur des jeunes (avec, souvent, la complaisance coupable d’une opposition politique très silencieuse sur la question) et pour qui tout dysfonctionnement dans la société relève en priorité de la prison. Pourquoi se priver d’une recette qui a conduit à la tête de l’état un ex-ministre de l’Intérieur dont la carrure, l’envergure et le sens des responsabilités sont quand même très en-dessous de la moyenne ? La démocratie s’accomode manifestement très bien de la démagogie. Il faudrait s’interroger, également, sur le rôle tenu par la police, ou certains syndicats de police, dans la gestation d’un nouveau droit où le jeune, l’enfant, font figure d’épouvantail, de bouc émissaire. Les multiples remaniements du Code pénal ces dernières années suivent les recommandations des policiers ; ils réclament l’abaissement de la majorité pénale à 10 ans ? Varinard le leur concède à 12 ans. Cette intrusion de la police dans l’élaboration de la loi ne laisse pas d’inquiéter : en démocratie, c’est le Parlement qui décide des lois, le rôle de la police se bornant à réprimer les infractions à la loi. Or, aujourd’hui, dans bien des domaines, c’est la police qui inspire la loi, les parlementaires se contentant de donner une apparence légale à la volonté des commissariats. N’est-ce pas, d’une certaine façon, la définition d’un état policier ? Parmi les 70 propositions de la commission Varinard, il en est une, qu’on pourrait qualifier simplement de ridicule, mais qui résume à elle seule l’état d’esprit des auteurs : il s’agit de l’idée selon laquelle on pourrait condamner un jeune à suivre sa scolarité tout en passant le week-end en prison ; la prison après l’école en quelque sorte. Quel individu doué de raison peut imaginer un instant qu’un jeune élève serait en situation d’apprendre avec la perspective de se retrouver le vendredi soir derrière les barreaux ? Derrière cette proposition extravagante qui relève de la bêtise et de la provocation, on peut déceler comme une forme de perversion mentale, celle qui prend plaisir à faire souffrir, à voir souffrir et qui se découvre, en filigrane, à travers tout le discours punitif à destination des mineurs. Au 19e siècle, les braves gens se pressaient devant les portes de la Petite Roquette pour tenter d’apercevoir les enfants qui croupissaient derrière les barreaux ; le voyeurisme se délectait des maisons de correction et des colonies pénitentiaires. Aujourd’hui, alors que personne ne peut de bonne foi prétendre que l’enfermement d’enfants de 12 ans puisse constituer une réponse à quelque problème que ce soit, encore moins lorsque l’éducation est en jeu, il se trouve néanmoins une commission parlementaire pour publier un rapport qui déshonore l’institution dont elle est issue. Un rapport certes irrationnel, incohérent, mais qui devrait pourtant déboucher sur une loi. Il y a là matière à s’interroger sur la légitimité de la loi.

(1) Muchembled, Une histoire de la violence, Le Seuil.

Voir sur le sujet le dernier billet de Jean-Pierre Rosenczveig sur son blog.

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Commentaires
A
je suis consternée, abasourdie, horrifiée par les récits que je lis ici. Ces lieux d'éducation sont devenus des lieux de peur, d'accusation, de honte. Honte à ceux qui agissent ainsi, et encore plus, HONTE AUX PROFESSEURS QUI LAISSENT LEURS ÉLÈVES SUBIR ÇA sans rien dire, sans en parler à leurs élèves, sans protester. Comment peuvent-ils se permettre de passer sous silence ces actions répressives injustifiées ? Sont-ils encore des éducateurs ? Ils sont plutôt comme les délateurs de l'époque de Vichy, livrant aux autorités des êtres considérés comme des sous-humains. J'ai honte d'être française. J'aurais bien préféré en être fière. Mais ce n'est pas possible. <br /> Je suis enseignante, et je ferais un scandale si on agressait ainsi un de mes élèves.
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M
La prison a 12 ans est la mesure qui cache la forêt!!!<br /> il n'y aura quasiment pas de mineur incarcéré à 12 ans mais cette mesure qui va faire parler........<br /> s'il vous plait regarder ce qui se trame pour l'assistance éducative qui va basculer aux conseils généraux c'est à dire à l'administration alors que c'est plus de 50% de l'activité des juges des enfants et qu'il s'agit d'intervenir sur les libertés individuelles!!!! ces dossiers, pour la majorité d'entre eux concernene les plus demunis ... alors qui va en parler? qui va dire que c'est un vrai scandale de dilapider ces dispositifs que partout en Europe on nous envie! pourquoi? pour mater les juges et en particulier les juges des enfants qui comme le savent Dati et Sarko sont des juges de gauche!!!<br /> resistons!
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L
Sur les pressions policières pour abaisser la majorité pénale, c'est une vieille revendication de la corporation. Pour ce qui est de la commission Varinard, l'info que je mentionne est tirée de La Croix du 27/11 (je n'ai plus le lien, excusez moi) et je l'ai lue également je ne sais plus trop où, peut-être sur le blog de JP Rosenczveig. Il est vrai également que ce rapport n'est toujours pas publié (c'est paraît-il pour mercredi), ce qui n'a pas empêché le Figaro de titrer : "Ce qui va changer pour la justice des mineurs", prenant ses rêves pour la réalité.
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L
A propos des perquisitions flicardes dans les établissements. <br /> <br /> On se demande qui est sous l'effet de produits stupéfiants, des jeunes ou des adultes. Chez les gendarmes, on voit deux choses : la volonté d'humilier et le plaisir devant l'humiliation de l'autre. Ca me rappelle quelque chose, en d'autres lieux, en une autre époque. Une forme de perversion qui a accompagné les pires dérives de l'histoire.<br /> Qunt à la fouille au corps de collégiennes, cela relève d'un dérèglement mental.<br /> L'autre problème touche à la complaisance des profs qui, en ne bougeant pas, donnent non seulement d'eux-mêmes mais des adultes une piètre image. Est-ce vraiment si difficile de dire non, d'exercer sa fonction dans sa classe la tête haute ? Dans ces circonstances, l'outrage à force de l'ordre est légitime, c'est même une impérieuse nécessité.
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E
on trouvera sur http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article8849 le texte du témoignage du collègue de Pavie avec ce commentaire :<br /> <br /> Après vérification, cette descente s’est bel et bien produite, comme le confirme La dépêche du Midi. L’enseignant qui témoigne ci-dessus juge-t-il la direction "très complaisante" ? Et pour cause : "Bernard Vilotte, le directeur du CFA, avoue sans détour être à l’origine de cette initiative à portée pédagogique", précise l’article. La pédagogie est la science de l’éducation... Est-ce ainsi que l’on éduque, avec une telle brutalité ? On retrouve bien là les conceptions rétrogrades des adeptes du tout-répressif, qui ne règle rien mais fait de la mousse, dont se régalent les populistes au front bas. Les seize gendarmes ayant participé à l’opération ont trouvé ce qu’ils venaient chercher : de la drogue. 39 grammes de haschich, dont 32 sur un seul élève, les 7 autres grammes se répartissant entre trois autres. Pour résumer, outre trois petits consommateurs, les autorités ont réussi à pincer un dealer de haschich. Au prix du contrôle traumatisant de 274 élèves, perpétré en plein coeur de leur établissement scolaire.<br /> <br /> Nous avons retrouvé une partie du témoignage publié ci-dessus dans un article de L’Expresso, désormais dissimulé dans le cache de Google. Il nous enseigne la position sur cette affaire du syndicat d’enseignant FSU, dénonçant "la volonté d’humilier de jeunes gens", "le manque de professionnalisme" des gendarmes et interrogeant : "Où est la vertu d’une telle intervention ?" Nous ne pouvons que nous associer à leur préoccupation. D’autant que ce type d’opération se déroule également dans les collèges - établissements scolaires fréquentés par des élèves plus jeunes encore. Nous en trouvons la trace par exemple à Limoux en mars 2006, où "aucune saisie d’un quelconque produit stupéfiant n’a été réalisée", ou encore le 7 octobre dernier, toujours à Limoux. Bilan de cette dernière intervention : "Une très faible quantité de cannabis sera saisie". Ter repetita au collège de Marciac (dans le département du Gers, comme pour Auch) la semaine dernière : "Ma fille (13 ans) inscrite en quatrième m’a dit que des gendarmes avaient fait irruption dans leur cours demandant aux élèves de mettre leurs sacs bien en vue dans la rangée sans toucher à quoi que ce soit dedans. Ils ont ensuite demandé à chacun de poser leurs mains bien en vue sur les tables et de ne surtout pas bouger à cause du chien qui pouvait être dangereux. Le chien est ensuite passé dans les rangées pour renifler les sacs. Seule chose amusante, c’est qu’il s’est excité sur le sac d’une petite fille qui contenait des gâteaux et des bonbons. Mais chose tracassante, la petite fille a été obligée de vider tout son cartable devant la classe et s’est sentie fort humiliée, car la démarche même de ses gendarmes l’ont faite se sentir coupable de quelque chose. C’est minable et déplorable. Et ce qui l’est le plus c’est que je pense que l’on va de plus en plus assister à ce genre de pratiques dictatoriales", nous écrit une enseignante qui signe Nanette. Nous avons alors joint le principal du collège de Marciac, qui a voulu minorer l’affaire : "Nous menons des actions de prévention avec différents partenaires et la gendarmerie est l’un d’entre eux", nous a-t-il expliqué. Voilà qui sonne comme une interprétation toute sarkoziste du mot "prévention", alors qu’il s’agit en réalité de répression. "Ce n’était pas une descente, le terme est impropre", a-t-il poursuivi. Foin de ces pudeurs de vocabulaire, nous maintenons le mot. "Certes, c’est quelque chose d’assez impressionnant, je le reconnais, a-t-il admis. S’il y a des dérapages, ils doivent être signalés. Mais il s’agit d’une procédure normale qui existe dans les établissements scolaires. Je suis surpris par les proportions que ça prend. Je ne vois pas pourquoi on monterait en épingle ce qui n’a pas lieu de l’être".<br /> <br /> En raccrochant, un brin nauséeux, nous songions que le pire était peut-être justement que ce principal ne voyait pas en quoi il faudrait s’insurger face à ce genre de procédés. Dans les écoles de France aujourd’hui, quand la police ne vient pas arrêter des enfants ou des parents sans-papiers, ce sont les gendarmes qui se livrent à des opérations coups de poing pour traquer les jeunes consommateurs de drogues douces. Ne voit-on pas cette tendance de flicage généralisé à outrance qu’impose à notre société les néo-conservateurs de l’UMP ? Jusque dans les établissements scolaires, qui devraient rester des sanctuaires, nous semble-t-il en conscience. Mais cette conscience, que nous invoquions à l’instant, paraît dépassée au regard des pratiques en vogue en Sarkozie. Et il semble bien que la répression ne connaisse aujourd’hui plus aucune limite.<br /> <br /> plumedepresse.com
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