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Journal d'école
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6 janvier 2009

Zélés délateurs

Juste avant les vacances, j’ai dû m’interposer sur la cour de récré entre deux élèves qui en venaient aux mains pour je ne sais trop quelle raison. L’affaire était gravissime puisqu’ils parlaient de « se buter » l’un l’autre. Je n’ai pas trop de mérite : les élèves étaient du genre poids plume et la simple présence du prof les a séparés. Affaire réglée en deux minutes. Dans le langage collégien, « se buter » ne signifie pas grand chose, juste qu’on est en colère et qu’on ne sait pas comment la dire autrement ; rien à voir avec la définition du Robert qui y voit une menace de mort avec arme. Mais on peut penser que le Robert n’a pas encore force de loi dans la vie quotidienne. Peut-être plus pour très longtemps car si,  en fonctionnaire obéissant, j’avais appliqué à la lettre les instructions officielles, j’aurais fort bien pu dénoncer mes deux petits bagarreurs à la police qui n’aurait pas manqué de les déférer au procureur avec mise en examen à la clé pour « menaces de mort ». J’exagère sans doute. Il n’empêche que les événements des dernières semaines au lycée Joliot-Curie de Nanterre laissent songeur. Un conseil de discipline qui tourne mal, un élève exclu, des délégués qui se laissent emporter et se retrouvent en garde-à vue suite à la plainte de la proviseure et un procureur qui ne craint pas le ridicule en ouvrant des poursuites contre les lycéens en question. « On va cramer le lycée », aurait menacé une lycéenne. En prenant le mot au pied de la lettre, la proviseure, appuyée par le recteur d’académie, s’aligne sur la politique prônée par Darcos-Dati qui consiste à traiter comme délit tout écart à la norme. Jusqu’à sombrer dans le ridicule le plus profond. Une des élèves concernées a d’ailleurs reconnu :« ...nous avons réagi avec l’émotion (...) « Cramer le lycée » signifie simplement que tous les élèves seraient mobilisés » (Libé, 30/12/2008). Face à cet emportement, un peu de retenue, de bon sens tout simplement, de la part des adultes, auraient probablement permis de trouver une issue satisfaisante, au lieu de quoi on est forcé depuis hier de faire appel à la police pour assurer la rentrée des élèves. La judiciarisation des rapports sociaux (plus de 600 000 gardes-à-vue pour la seule année 2008) n’épargne pas l’école. On a vu dernièrement, à propos du cannabis, de brutales intrusions policières dans les établissements. On en viendrait à croire que certains chefs d’établissement se sont donné pour mission de conforter la campagne menée par le gouvernement contre les jeunes : la mise en cause des trois lycéens de Nanterre aura surtout pour effet de gonfler les statistiques policières censées conforter les projets de Dati contre la justice des mineurs. Des chefs d’établissement qui, en se mettant consciemment ou non, par conviction ou par trouille, au service du pouvoir politique, laissent piteusement tomber leur fonction d’éducateur, la seule, pourtant, qui soit légitime.

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Commentaires
J
Bubul01 a écrit<br /> On sait bien que les enseignants sont souvent provocateurs, ne tiennent pas compte de l'avis des élèves, se contentent d'imposer leur point de vue en véritable petits dictateurs et ensuite on se demande pourquoi les jeunes deviennent "violents" envers eux, lorsque la simple rébellion contre l'injustice n'est pas considérée comme de la violence.<br /> <br /> Qui sait bien? La provocation et le ras le bol existent des 2 côtés. Je crois pouvoir dire que les enseignants avaient de fait des attitudes dictatoriales beaucoup plus prononcées il y a 50 ans, pour la simple raison que la notion d'autorité de l'adulte et de l'administration était beaucoup plus forte.<br /> <br /> J'ai connu aussi un prof balançant les tables en l'air, une autre arrachant les cheveux des élèves (ma tête s'en souvient). J'ai connu ces dernières années un élève de 6 ans traitant son institutrice de "grosse pute" , un autre de 11 ans frappant son institutrice (j'ai du intervenir). Et je suis en campagne. Je ne suis pas en ZEP, et les enfants sont super sympas. On pourra toujours trouver des cinglés, mais de grâce, évitons les généralisations.
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G
Pat, Christophe2 et tartempion, évidemment que je ricanais (pouffais, même).<br /> <br /> Ceci dit, j'ai beaucoup apprécié votre contribution, Christophe2. Un petit peu de raison sur ce blog est toujours bon à prendre.
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T
"Face à cet emportement, un peu de retenue, de bon sens tout simplement",<br /> <br /> attention Lubin, selon vos amis idéologiques, je ne sais plus si c'est Lofi, Bourdieu, Sartre, El Duende, Bellaciao.org ou une autre Haute Autorité de la Gauche Morale Progressiste Tenante du Bon, du Vrai, du Beau et de l'Acceptable (HAGMTBVBA) ,le "bon sens" est une notion éminemment conservatrice voire réactionnaire !<br /> <br /> vous flirtez avec la ligne rouge !
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T
... faisait du second degré je crois. un peu comme un fatal flatteur ?
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B
Ce qui est hypocrite, c'est de croire que les enseignants et le fonctionnement du système éducatif n'y est pour rien, comme si les enseignants, leurs punitions et tout ça n'y était pour rien dans ces "problèmes". <br /> <br /> On sait bien que les enseignants sont souvent provocateurs, ne tiennent pas compte de l'avis des élèves, se contentent d'imposer leur point de vue en véritable petits dictateurs et ensuite on se demande pourquoi les jeunes deviennent "violents" envers eux, lorsque la simple rébellion contre l'injustice n'est pas considérée comme de la violence.<br /> <br /> Les enseignants, et leur chefs d'établissements semblent en général se considérer comme des saints...<br /> <br /> Malheureusement, cette politique ou l'on appelle la police en renfort pour des faits sans importance cache le fait que pour des faits plus graves, rien ne sera fait de la part des chefs d'établissement ou de l'administration qui encourage ces pratiques violentes lorsque les enseignants en sont les auteurs (affaire de la gifle, prof sanctionné pour avoir dénoncé des bizutages, etc).<br /> <br /> Au sujet de la violence verbale, les enseignants que j'ai connus étaient en majorité bien plus violents que les élèves:<br /> <br /> - Crier pour tout et n'importe quoi comme si le élèves étaient de petits chiens qui devaient obéir à l'enseignant (bel exemple de l'apprentissage du respect et de la démocratie, soit dit en passant)<br /> <br /> - Au lieu d'expliquer en quoi un élève se trompe, l'enseignant le ridiculise et se moque de lui devant toute la classe ou lui crie dessus, comme si les élèves devaient déjà savoir les connaissances censée être apportées par l'enseignant.<br /> <br /> - Et au lycée, un enseignant qui traite des élèves d'homosexuels et leur lance des craies alors qu'ils ne perturbaient même pas la classe, un autre qui ne fait pas de cours et se contente de parler de foot et de répéter des discours racistes et violents comme "On va les laisser crever", ces deux enseignants semblaient particulièrement détester le seul élève noir de la classe, ils trouvaient pratiquement à chaque cours des choses insignifiantes à lui reprocher et pour le punir.<br /> <br /> Dois-je préciser que dans les classes décrites, c'était des classes plutot calmes, évidemment avec quelques perturbateurs, mais il n'y eu dans ma scolarité aucun enseignant frappé par un élève et une seul fois j'ai entend un élève insulter un enseignant... Par contre, les enseignants qui voient les souffrances et les difficultés de l'élève comme une provocation spécialement destinées contre l'enseignant lui même (de la paranoïa), ça j'en connais des tonnes.<br /> <br /> Cette vision des enseignants angéliques et des élèves tous violents et totalement ridicule.<br /> <br /> Le problème n'est pas tant d'appeler la justice ou la police, mais de voir l'action de ces services en réponse à ces actes ou propos violents qui ne fait que réprimer et punir, ce qui empêche de sortir de ce cercle vicieux...
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