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Journal d'école
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16 janvier 2009

Darcos et l'uniforme : les masques tombent

Darcos et ses obsessions, Darcos et ses fantasmes. En affichant une nouvelle fois ses faveurs pour l’uniforme scolaire, Darcos nous replonge cinq ans en arrière, époque où, ministre délégué à l’enseignement scolaire, le même Darcos s’était lancé dans l’apologie de l’uniforme, appuyée par une lourde stigmatisation des jeunes filles, des élèves – avait-il dit – « désirables...qui jouent de leur charme », parce qu’elles ont l’audace de s’habiller comme elles l’entendent. En grand ayatollah, sans peur du ridicule, il n’avait pas craint d’affirmer que « jouer de son charme, manifester un signe discriminant sur le plan sexuel, c’est contraire à l’idéal républicain » (sic).Des préoccupations qui sentent l’ordre moral, jamais démenties depuis. Aujourd’hui, en visite à Londres, Darcos récidive mais, prudent, préfère éviter les allusions douteuses aux jeunes filles en fleur pour se placer sur le terrain de l’égalité, principe républicain par excellence : « l’uniforme (...) ça supprime les différences visibles de niveau social ou de fortune et ça met tous les élèves dans une situation d’égalité les uns par rapport aux autres ». Supprimer les « différences visibles », dit-il sans rire. Il faut une bonne dose d’indécence pour  invoquer le principe d’égalité lorsque l’on participe à un gouvernement sous lequel les inégalités se sont développées comme jamais, les SDF meurent l’hiver dans les rues (c’est vrai que pour Boutin, les SDF, il faut aussi les cacher), et le chômage déchire le tissu social. A l’école, il faut donc supprimer les « différences visibles » mais peu lui chaut, au ministre de l’Education nationale, que l’échec scolaire touche en priorité très majoritairement les élèves issus des milieux modestes ou que l’Université reste un rêve pour les pauvres. Pour un ministre dont les réformes à l’emporte-pièce ont surtout pour effet de renforcer la ségrégation scolaire, ce ne sont pas les inégalités qui font problème mais le fait qu'elles se voient.

Pour « favoriser l’intégration », Darcos va chercher son inspiration en Angleterre, un pays où des décennies de thatchérisme, de libéralisme scolaire...et d’uniformes ont profondément déstabilisé le système éducatif. Un pays, où, soit dit en passant, la rentrée scolaire coûte trois fois plus cher qu’en France – l’uniforme n’est pas gratuit, il est même ruineux pour nombre de familles – un pays où l’absentéisme et les violences scolaires font des ravages...malgré l’uniforme.

Bien sûr, on pourrait considérer cette nouvelle sortie du plus sarkozien des ministres comme la dernière tentative médiatique destinée à dissimuler les problèmes qui s’accumulent, à donner le change, à gommer un échec de plus en plus évident  : les télés ne manqueront pas de répercuter la bonne parole. Mais il faut bien voir que ce qui ressemble de prime abord à une élucubration, prend place en réalité dans une politique soigneusement réfléchie, menée par Darcos avec une ténacité qui confine à la brutalité et dont les racines idéologiques sont à chercher très à droite sur l’échiquier politique. On peut même sans crainte d’être démenti affirmer que l’uniforme scolaire est la dernière des revendications du Front national en matière éducative que Darcos n’ait pas jusqu’à présent mise en œuvre. Que réclame, en effet l’extrême-droite depuis toujours ? Le retour des « bonnes vieilles méthodes »  à l’école primaire, le rétablissement d’un examen de passage pour entrer au collège, le recentrage de l’enseignement de l’histoire sur la France, le rétablissement de l’autorité sous la forme policière et gendarmesque, la fin du collège unique, la suppression des IUFM  et bien sûr, l’uniforme obligatoire. Programme entièrement récupéré par Darcos, avec entre autres, la suppression des programmes de 2002 à l’école primaire, une évaluation des élèves en CM2 qui ressemble furieusement à un examen de passage, la Marseillaise obligatoire, le retour des leçons de morale, des « grands héros de l’histoire de France » à apprendre par cœur, la suppression des IUFM. Quant au collège unique, cible privilégiée de l’extrême-droite et des mouvements anti-pédagogiques, parce que symbole de l’égalitarisme républicain, on peut penser que l’état de délabrement dans lequel Darcos le laisse sombrer n’est pas le fait du hasard : on attend sa mort prochaine. En matière éducative, l’extrême-droite s’appuie traditionnellement sur quelques principes rudimentaires : nostalgie d’un âge d’or d’autant plus fantasmé qu’il n’a jamais existé, une conception de la discipline et de l’autorité confondue avec l’obéissance et la soumission, celle des élèves pour les enseignants, des enseignants pour leur administration, une aversion viscérale pour les milieux éducatifs et leurs organisations, syndicales, professionnelles et pédagogiques, une réelle phobie pour les jeunes, considérés comme des êtres à mater plutôt qu’à éduquer, phobie étayée par une conception de l’éducation plutôt fruste, réduite à une simple transmission de savoirs entre maître et élèves. Toutes choses qui se sont retrouvées dans la diatribe anti-mai 68 de Sarkozy pendant sa campagne électorale : « [les soixante-huitards] avaient cherché à faire croire que l’élève vaut le maître, qu’il ne fallait pas mettre de notes pour ne pas traumatiser les élèves, qu’il ne fallait pas de classement (...) Ils avaient proclamé que tout était permis, que l’autorité c’était fini, que la politesse c’était fini, que le respect c’était fini, qu’il n’y avait plus rien de grand, plus rien de sacré, plus rien d’admirable, plus de règle, plus de norme, plus d’interdit ». La politique scolaire de Sarkozy, mise en œuvre par Darcos, s’inscrit dans cette volonté de « liquider une fois pour toutes l’héritage de mai 68 ».

Dans ce contexte, on comprend qu’agiter la question de l’uniforme scolaire – une extravagance qui, d’ailleurs, n’a jamais existé en France autrement que dans certains établissements privés élitistes et n’a donc rien de « républicain » - n’est pas anodine. Le sarkozysme scolaire, c’est d’abord cela : le phagocytage de l’école par l’idéologie de l’extrême-droite dont Darcos se fait le fidèle serviteur.

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Commentaires
T
oui, moi aussi j'aimerai qu'on apprenne aux enfants de ZEP que côtoie ma compagne que le multicularisme c'est super, que les filles ont le droit de fréquenter des garçons non-musulmans, que les antillais et les africains s'adorent, que les roumains ne sont pas tous des charclots, que les "françaises" ne sont pas forcément des pouf... etc etc.<br /> <br /> Parce que je ne sais pas si Alain Touraine le sait, mais les incantations sympas dont on nous asperge constamment depuis des décennies, ca ne marche plus très bien.
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E
« L’école tournée vers l’école n’est tournée ni vers l’enfant, ni vers la Nation ; elle devient un monde ayant de moins en moins de repères par rapport au monde extérieur. Tout ce qui en fait un monde isolé, séparé, protégé me semble néfaste. La grande affaire aujourd’hui, c’est au contraire d’intégrer les enfants venus du dehors sans rompre leur histoire personnelle. Au lieu de leur imposer un uniforme, je voudrais qu’on leur apprenne, ainsi qu’aux enseignants,l’importance et la beauté du multiculturalisme, de la communication entre les cultures. »<br /> Alain TOURAINE
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E
être révolté que, dans un des pays les plus riches du monde, on dorme sur les trottoirs quand d'autres s'y prostituent, qu'on chasse les enfants pour les déporter ou qu'on exploite des êtres humains, oui, c'est être de gauche, ne vous déplaise<br /> surtout quand ceux qui sont nos "représentants" se vautrent dans le luxe, s'en lavent les mains, et même sont complices ou acteurs de cette misère<br /> ce n'est guère plus révolutionnaire que d'avoir une épicerie en corrèze
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T
Si Francis Cabrel, la grand-mère à moustache, est devenu le porte parole des rêves de gauche révolutionnaires, effectivement, ca se passe de commentaires.<br /> <br /> Depuis Ferré, le niveau baisse, là aussi ;)
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E
http://www.yetiblog.org/index.php?post/LES-CARDINAUX-EN-COSTUMES
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