A l'époque de Molière
Le 7 septembre 1693, le chanoine-secrétaire du chapitre de la cathédrale de Rennes, transcrit sur son registre la délibération suivante :
« veu la rqte de pierre lemée grand enfan de coeur par laquelle il represente qu’il est dans la derniere disposition de rendre service au chapitre veu la mutation de sa voix juvenille requerant mesds de voulloir bien luy permetre de se retirer et de le gratiffier du mesme sallaire que ses predecesseurs, sur quoy mesds ayant delibere ont donné le congé dud lemée et arresté qu’on donnerait a son père la somme de 100 l. pour l’habiller et le mettre a apprendre quelque vaccation laquelle somme de 100 l. mesds srs ont pris au coffre à trois clefs et mis entre les mains de M. Prioul pour la delivrer au père dud. lemée »
Traduction : Pierre Lemée, enfant de chœur de la cathédrale, arrivé à l’âge de la mue, demande et obtient l’autorisation de quitter la psallette de la cathédrale dans laquelle il a chanté pendant plusieurs années. Le chapitre, comme c’est la coutume, lui délivre la somme de 100 livres.
Syntaxe, orthographe, majuscules, ponctuation ? Manifestement, notre brave chanoine n’en a cure et je ne peux malheureusement pas faire profiter le lecteur d’une graphie qui effaroucherait aujourd’hui n’importe quel enseignant de CE2. Et pourtant ce document émane d’un corps, celui des chapitres capitulaires, qui compte parmi les plus instruits et les plus cultivés de l’époque. Un témoignage à mettre en regard des éternelles lamentations sur le « niveau » d’une époque, la nôtre, et la nostalgie que d’aucuns manifestent pour la langue de Molière, sans doute fort belle mais qui n’était parlée que par lui.