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Journal d'école
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5 mars 2009

Un enfant de 5 ans forcément coupable

Un enfant de 5 ans poignardant sa grande sœur qui refusait de lui prêter son jeu vidéo. Du pain béni pour des médias qui ont pris prétexte de ce fait divers pour se laisser aller à une sidérante campagne de désinformation dont ils sont malheureusement coutumiers lorsque les enfants sont en cause. Aujourd’hui, alors que la vérité sur ce drame est connue – c’est la mère qui a poignardé sa fille, avant de faire accuser son enfant - il faut redonner la parole à quelques-uns de ceux qui, tout au long du week-end, avec un manque de professionalisme avéré, un sensationnalisme débridé mais aussi sans doute pas mal d’arrière-pensées politiques, se sont laissés aller à cette caricature d’information.

Bien sûr, pour faire sérieux, il importe de donner la parole à un spécialiste dont le titre ou les publications sont gage de compétence. Par exemple, pour le Parisien.fr (02/03/2009), Michael Stora, psychologue, « spécialiste de l’image et des jeux video », expose doctement son analyse : « La rivalité entre frère et sœur est courante. La jalousie permet à l’enfant de s’autonomiser. Mais dans cette histoire où le passage à l’acte est extrêmement violent, l’enfant s’est retrouvé dans une position d’envie. Sa sœur est devenue un obstacle. Les coups qu’il lui inflige visent à combler ses désirs ». Une analyse qui prend toute sa saveur lorsque l’on sait comment les faits se sont réellement déroulés. Comment parler de quelque chose que l’on ne connait pas ? Michael Stora et ses collègues psy – qui ont repris à n’en plus finir ce thème de l’enfant-roi, qui n’accepte aucune frustration - n’ont pas eu ce genre de pudeur, d’honnêteté. On ne refuse pas un micro qui se tend.

Inévitablement, il fallait s’attendre à ce que ce fait divers, qui, de toutes manières, n’aurait jamais dû quitter la sphère privée, se voit promu en fait société. Ainsi, pour M6 (01/03/2009), chaîne experte dans la fabrication des peurs imaginaires et la dénonciation de la délinquance juvénile, « ce drame soulève une nouvelle fois la question de la violence des enfants » et dans l’Express.fr (03/03/2009) le psychiatre Serge Tisseron ne craint pas le grand saut (ni le ridicule) : « Le drame souligne un problème plus général : des enfants de plus en plus jeunes commettent des agressions de plus en plus violentes (...) Le paysage de la petite enfance change. Et c’est préoccupant ». Des enfants de plus en plus violents, l’enfance qui n’est plus ce qu’elle était... Ce genre d’affirmations gratuites ne rappelle rien à personne ? Des délinquants de plus en plus jeunes et de plus en plus violents, des jeunes qui n’ont plus rien à voir avec ceux de l’après-guerre, n’est-ce pas le fondement du rapport Varinard sur la délinquance des mineurs visant à enfermer des enfants de 12 ans, mesure dont on sait que Dati apprécie « le bon sens » ? Cette histoire d’Uckange, avec l’exploitation mensongère qui l’a accompagnée nous replonge dans un contexte initié il y a plusieurs années par des rapports et des analyses pseudo-scientifiques (Inserm, rapport Benisti) pleins de contrevérités qui tendent à faire du tout jeune enfant un délinquant en puissance, qu’il faut surveiller comme tel, rapports sur lesquels s’appuie pourtant toute la politique pénale de ces dernières années. Si un enfant de 5 ans, incapable de supporter la moindre frustration, en arrive à poignarder sa grande sœur, c’est bien la preuve que Dati a raison, que la surveillance et la répression doivent s’exercer dès le plus jeune âge.

Dira-t-on qu’il s’agit-là d’un procès d’intention intenté aux médias ou aux « spécialistes » en question ? Pour ce qui concerne les médias, il ne fait guère de doute que la peur des jeunes est devenue leur fonds de commerce, c’est un sujet vendeur, largement récupéré par le pouvoir politique. Les psychologues ou les psychiatres qui se sont exprimés sur cette affaire et desquels on est en droit d’attendre une analyse un peu plus étayée, ont, pour ce qui les concerne, fait preuve non seulement d’une curieuse déontologie mais d’une forme de dialectique qui tend à se généraliser dès lors qu’il s’agit d’enfants : dans la construction de la pensée, les présupposés et les conclusions interviennent avant les faits et l’analyse. Puisqu’un enfant de 5 ans poignarde sa sœur, c’est bien le signe que l’enfance est de plus en plus violente. Mais lorsqu’il s’avère que l’histoire est entièrement inventée ?

On n’insistera pas non plus sur le déferlement bête et méchant, désormais familier sur les forums internet (notamment ceux des journaux) qui ont accompagné ce gibier de potence de 5 ans, un enfant capricieux, mal élevé à qui auront surtout manqué quelques bonnes paires de gifles, quelques saines fessées. Un enfant de 5 ans qui voit sa grande sœur poignardée par sa propre mère, arrêté par les gendarmes, voué aux gémonies l’espace d’un week-end, c’est lui, donc, cet enfant injustement accusé, qu’il faudrait frapper. Les Français ont décidément un problème avec leurs enfants mais ce ne sont pas les enfants qui font problème.

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Commentaires
P
Pour donner mon point de vue sur votre polémique, mon commentaire sur une colère d’Alain Borer dans Libé :<br /> <br /> « Au tournant de la vidéosphère, on assiste à l’effondrement accéléré de deux piliers : l’esthétique et la précision comme logiques structurelles de la langue française. Cela ne peut que s’accomplir sous le règne d’un autocrate illettré, servi par la trahison des clercs. Nous sommes entourés par des bacs + 15 qui ont raté leur CM2. »<br /> <br /> Ah « l’esthétique et la précision comme logiques structurelles de la langue française. »<br /> <br /> J’en veux encore plus à ceux, et qui sont dans le système scolaire ou en parlent comme Bégaudeau, qui attentent à la logique. Non que j’ignore l’esthétique (pas moi, quand même ;-) mais parce qu’elle ne peut pousser que sur le terreau de la logique. Et que je te réduise les heures d’enseignement du français, et que je te supprime les cours de grammaire. Et que j’appelle à la « simplification de « l’orthographe » soi-disant pour ne pas brimer les classes inférieures (n’est-ce pas), en fait pour créer une sous-langue et se garder la langue des mandarins. <br /> <br /> C’est grâce à cette logique structurelle qu’on peut deux choses : comprendre, et dire. Et ça, pour l’autocrate et ses clercs, et d’une façon générale pour tous les détenteurs de pouvoirs (politique, économique, médiatique, culturel) : jamais !
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P
On peut venir une fois par mois sur ce blogue, on est sûr de trouver la même chose : non une réflexion sur le sujet du jour, mais un concours d'insultes.<br /> <br /> Allez, rendez-vous en avril !
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T
et on sait qui sont les cailleras du bahut...
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T
c'est le trou béant qu'il a dans sa caboche de petit kapo de la pensée Vraie.
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M
El Duende a-t-il déjà entendu parler du concept de mise en abyme?
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