L'ère du soupçon
Contraint et forcé par l’agitation médiatique, Darcos a cru bon prendre ses distances avec l’affaire de Floirac. Dans un communiqué, il affirme s’interroger « sur les circonstances de l'interpellation de deux enfants de six et dix ans soupçonnés de vols de vélo » à proximité de leur école. Pourtant, il faut bien comprendre que l’interpellation des deux enfants n’est pas une simple bavure policière, ne résulte pas d’une initiative malheureuse de quelques fonctionnaires trop zélés. Elle s’inscrit dans une politique cohérente, intentionnellement conduite depuis plusieurs années et dont les dernières propositions sur la création d’une police des écoles ou la fouille des élèves apparaissent comme un nouvel avatar. Lorsque les policiers arrêtent un enfant de 6 ans simplement soupçonné de vol, ils ne font que suivre les recommandations du rapport Bénisti, vieux déjà de quatre ans, qui préconisait de pister la délinquance dès la maternelle. A rappeler, également, les descentes de gendarmes dans les collèges, où, sous couvert de lutte anti-drogue, de tout jeunes élèves sont plaqués au mur comme des délinquants et surtout considérés comme tels. Ce qui est en cause, au-delà de la scabreuse interpellation de Floirac, c’est, à travers le thème tellement rebattu de la tolérance zéro, la criminalisation non seulement de la moindre déviance mais aussi des comportements quels qu’ils soient. Qu’attendre de la proposition de Darcos d’autoriser les enseignants à fouiller les élèves, ou d’attribuer aux chefs d’établissement des prérogatives de police judiciaire, sinon un surcroît de méfiance, de suspicion, incompatible avec les objectifs de l’éducation ? Le temps de l’éducation est un temps long qui demande de longues années et de patients efforts avant de porter des fruits. En confondant les fonctions policières et les fonctions éducatives, l’école rentre de plain-pied dans l’ère du soupçon. Les conséquences ne se feront pas attendre.