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Journal d'école
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25 juillet 2009

Une brutale sanction politique

« Jusqu'à ce jour, les sanctions, aussi disproportionnées soient-elles, ne nous ont pas fait reculer. Elles ont au contraire suscité un élan de sympathie dans l'opinion publique que le pouvoir aurait tort de mésestimer. De nombreux enseignants du primaire qui n'ont jamais accepté ces réformes destructrices sans pour autant les contester trop ouvertement se sont montrés solidaires, y compris financièrement, et nous ont encouragés à ne pas céder. Nous avons également le soutien massif des parents de nos élèves et cela est décisif. C'est pourquoi, à titre personnel, je ne regrette rien et surtout je ne me sens « coupable » de rien. Mettre ses actes en cohérence avec ses pensées est certainement ce qu'il est donné de vivre de meilleur, surtout dans notre noble métier. C'est une action juste, motivée en conscience, au service de l'intérêt général et non pas de notre « confort » corporatiste. Collectivement, nous pouvons être fiers d'avoir impulsé un mouvement qui porte l'exigence d'une révolte éthique et professionnelle conjuguée à un esprit de responsabilité et d'honnêteté que personne, aucun pouvoir, ne pourra briser. »

Alain Refalo s’exprime sur la répression brutale dont il est la cible. Son texte intégral est à lire ici.

Avec un abaissement d’échelon, c’est une sanction particulièrement lourde qui a été prise à l’encontre d’Alain Refalo, enseignant désobéisseur de Haute-Garonne. « S'ajoutant à la promotion qui lui a été refusée au mois de février, et indépendamment des 19 jours de salaire qui lui ont déjà été soustraits, cette sanction représente pour les quatre ans qui viennent une perte d'au moins 7000 euros, alors qu'Alain Refalo a effectué l'intégralité de son service devant les élèves et que les rapports pédagogiques de ses inspecteurs sont élogieux », précise son comité de soutien.

Cette décision dépasse largement la question de l’aide personnalisée et du soutien aux élèves en difficulté. Alain Refalo s’explique : « cette action de désobéissance pédagogique qui s'est essentiellement cristallisée sur le dispositif de l'aide personnalisée a permis à des milliers d'enseignants du primaire d'en montrer toute la perversité et l'inefficacité tout en ayant une attitude responsable vis-à-vis des élèves en difficulté. Nous avons mis en lumière que ce dispositif en trompe-l'œil n'était pas destiné en réalité à aider les élèves qui en avaient le plus besoin, mais qu'il permettait au ministère de justifier la disparition de milliers de postes d'enseignants spécialisés du RASED, de supprimer deux heures de classe pour la majorité des élèves, de favoriser la semaine dite de quatre jours que tous les spécialistes considèrent comme néfaste pour le bien-être de l'enfant et de renoncer à déployer une formation pédagogique à la mesure des difficultés que tous les enseignants rencontrent aujourd'hui ».

Outre le « refus d’obéissance », les motifs d’accusation - « manquement au devoir de réserve, incitation à la désobéissance collective, attaque publique contre un fonctionnaire de l’Education nationale » – sortent du cadre strictement professionnel et remettent en cause l’exercice des libertés individuelles et politiques. Le message adressé aux enseignants est clair : la critique de la politique gouvernementale est désormais considérée comme une faute professionnelle et punissable comme telle. Il faut remonter très loin dans l’histoire pour voir un enseignant puni pour ce qui ressemble à un délit d’opinion.

On ne peut s’empêcher de mettre en parallèle cette sanction brutale prise contre un enseignant compétent mais contestataire, avec les recompenses généreusement distribuées par le ministre de l’Education nationale à ses thuriféraires comme par exemple à Brighelli, qui, le 14 juillet dernier, s’est vu décerner la légion d’honneur. Ce professeur agrégé, le plus médiatique des contempteurs de la pédagogie, s’est rendu célèbre depuis quelques années par ses bruyantes critiques contre les réformes tentées dans l’Education nationale depuis une quarantaine d’années. Ses prises de position, approximatives et caricaturales, ont largement inspiré le grand retour en arrière voulu par Darcos pour l’école primaire. Quelques semaines plus tôt, Darcos en personne avait décoré de l’Ordre du mérite Marc Le Bris, autre représentant emblématique de l’école en blouse grise. Honneurs et récompenses pour les uns, répression brutale pour les autres.

Toute une mouvance traditionaliste qui a pignon sur rue n’a d’ailleurs jamais fait mystère de son refus d’appliquer les consignes officielles lorsqu’elles ne lui convenaient pas : détournement des heures de vie de classe ou d’éducation civique, sabotage des travaux personnels encadrés en lycée ou des itinéraires de découvertes en collège, abandon de la politique des cycles voulue par la loi d’orientation de 1989, ce ne sont là que quelques exemples d’initiatives pourtant en leur temps règlementaires mais ouvertement torpillées sans qu’aucune sanction n’ait jamais été prononcée.

La lourde sanction prise contre Alain Refalo est une mesure éminemment politique : dans la perspective d’une rentrée difficile, il s’agit pour le gouvernement d’étouffer la contestation, de faire peur. C’est un signal fort adressé à tous ceux qui attendaient du nouveau ministre autre chose qu’une politique imposée sans concertation avec un réel mépris pour la profession. Sa brutalité hors de proportion avec les faits reprochés, typiquement sarkozyenne, est un nouvel avatar de l’autoritarisme manifesté en matière éducative au cours des dernières années : après les élèves, ce sont maintenant les enseignants qui en sont la cible.

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Commentaires
T
http://www.rue89.com/restez-assis/2009/08/27/cest-la-rentree-demandez-lui-doter-sa-casquette
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T
voici un témoignage d'un de vos confrère sur Rue89. Et vous, que feriez-vous ? J'attends de voir comment les pédago progressistes appliquent leurs belles et pures intentions... Et les autres aussi, ca m'intéresse : Mélès, que feriez-vous ?<br /> <br /> Voici une « situation-problème », comme celle décrite dans les premières lignes d'un ouvrage en cours de préparation, et que j'ai vécue il n'y a pas si longtemps dans un collège « défavorisé » au cœur de Paris, une parmi tant d'autres, comme vont en vivre celles et ceux qui ont la chance de participer à la rentrée. Je vous pose la question : que feriez-vous ?<br /> <br /> Je vous raconte donc cette histoire, dont vous connaîtrez la fin dans un second volet.<br /> <br /> Je m'avance vers lui : « Ça va Solo ? » Il s'appelle Suleyman, mais tout le monde l'appelle Solo, même moi. Il baisse la tête. Je ne vois plus que la casquette dont la visière occulte ses traits. Autour de nous, le silence se déploie.<br /> <br /> Solo, élève de « troisième faible », a décidé aujourd'hui de ne pas retirer sa casquette. Pourquoi ? Allez savoir ! Mais alors, que faire ? Car on doit « traiter le problème »… Pourquoi, au fait ? Pourquoi ne pas laisser aller et le planter là, avec sa casquette, faire cours comme prévu et passer à autre chose ?<br /> De l'autorité du savoir à celle de « la preuve par soi »<br /> <br /> Revenons pour l'instant à la situation telle qu'elle se présente : je suis debout devant sa table. Lui, Solo, est affalé sur sa chaise, tête basse sous la casquette. Que faire ?<br /> <br /> De quel secours pourrait être, en ces circonstances, la théorie de « l'autorité du savoir » ou celle de « l'autorité de la preuve par soi » ? Jean Houssaye désigne ainsi « les deux critères principaux sur lesquels repose l'autorité dans le système scolaire français » (« Questions pédagogiques », p. 62, Hachette Education, 1999).<br /> <br /> Sachant que cette situation ne relève pas de l'exceptionnel mais bien plutôt de l'ordinaire que nous avons, nous « praticiens », à régir pour ainsi dire quotidiennement.<br /> <br /> Il y a fort à craindre qu'en ces temps « d'hystérie collective sur le thème de la sécurité » (Eric Debarbieux) ne nous soit alors proposée quelque mesure d'exclusion et sans doute aussi de réclusion, tant l'autorité du savoir s'affaisse ici à l'instant même de son exhibition.<br /> <br /> Quant à celle de la « preuve par soi », essayons : « Retire immédiatement cette casquette, je ne le répéterai pas ! » Echec, bien sûr, puisque Solo a choisi de créer une situation dans laquelle, justement, il n'optempérera pas. Il ne bronche ni ne bouge.<br /> L'appel à l'institution<br /> <br /> Je continue : « Donne-moi ton carnet de correspondance ! »<br /> <br /> Cette injonction, attendue, n'a d'autre objet que d'effacer le premier échec par un appel au fonctionnement institutionnel : prévenir les parents par la sollicitation de l'outil prévu à cet effet qui, en l'occurrence, se révèle particulièrement inadapté.<br /> <br /> Je suis, en effet, en train d'agir avec Solo comme je le ferais avec Aurélien, élève dont les parents suivent attentivement la scolarité… Las, les parents de Solo ignorent vraisemblablement que l'école ne suffit pas à tout.<br /> <br /> Ils sont persuadés, au contraire, que confiant leur fils à une institution si élaborée, si luxueuse, qui mobilise tant de moyens, ils ne peuvent que s'effacer eux-mêmes, comme pour ne pas gêner. « J'l'ai pas… », me répond Solo.<br /> <br /> Ceci murmuré au moment où il se redresse imperceptiblement mais suffisamment pour qu'il me soit donné de saisir, sous la visière, une lueur narquoise. Evidemment ! Va-t-on, alors que l'on a décidé d'affronter le pouvoir, tendre ainsi ses poignets aux premières escarmouches ?<br /> <br /> A ce point, plusieurs éventualités sont offertes à ma perspicacité :<br /> <br /> « Nous n'allons pas continuer à perdre du temps, nous avons à travailler, tu ne m'intéresses pas, je ne veux pas t'entendre ! C'est compris ? »<br /> <br /> Tout peut arriver<br /> <br /> Solo s'étale sur sa chaise comme s'étale sur son visage un large sourire, paresseux et provocateur. Il sollicite aux quatre coins regards et commentaires ébahis, cette reconnaissance du monde dont il a tant besoin, comme chacun.<br /> <br /> Mais alors tout peut se produire et la fureur m'emporter jusqu'à la violence irrépressible, tout, ou rien, l'abandon, la capitulation, la démission.<br /> <br /> A moins que je ne sois un homme dont la corpulence avantageuse dicte le geste et que, saisissant la casquette, je la pose sur la table. Solo ébauche alors un redressement vif qui se fige cependant quand je me penche non moins vivement vers lui. Il s'insurge encore faiblement, puis capitule. Ou non. Il fait face et, à nouveau, tout peut se produire, jusqu'au pire. Ou encore, fréquemment :<br /> <br /> « Tu ne veux pas enlever ta casquette ? Tu prends tes affaires et tu sors ! Leila (la déléguée) t'accompagne en permanence. »<br /> <br /> Solo est ravi, il n'en espérait pas moins. Il va retrouver son ami Bakari qui lui aussi s'est débrouillé pour « aller en perm ».<br /> <br /> Là, ils concluront le « business » entamé à la porte du collège ou reprendront leur inépuisable conversation. La démission, à cet instant, prend un caractère collectif puisque Solo sera autorisé, de fait, à ne rien faire.<br /> <br /> Mais il se peut aussi que la détermination de l'élève rende les choses moins simples :<br /> <br /> « Non, je ne sortirai pas ! Pourquoi je sortirais ? Pourquoi j'enlèverais ma casquette ? Qui ça gène ? Ça n'empêche pas de faire cours… Je m'habille comme je veux… Oui, je la porte chez moi… Oui, je dors avec, et alors ? »<br /> <br /> Tout devient confus, inextricable… Appel aux autorités, conseillère d'éducation, principal s'il le faut et, au bout de la procédure, Solo sera exclu trois jours, comme d'habitude. Trois jours pendant lesquels ses copains raconteront son exploit, pendant lesquels il viendra, lui, à la porte du collège recueillir les lauriers d'une si belle victoire et raffermir son aura d'irréductible. A ce point, nous sommes loin encore d'avoir épuisé toutes les variations possibles sur le thème…<br /> <br /> (A suivre…)
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T
les profs "réacs" qui s'opposaient aux réformes Jospin ont également été sanctionnés, mais là vous n'y trouviez rien à redire. Evidemment ces salauds s'opposaient au Bien : les projets, les cycles, les IUFM...<br /> Quelque soit le ministre, les hiérarchies des rectorats et autres universitaires pompeux tiennent le ministère, retaillent les textes, et font tout pour maintenir leur once de pouvoir. Cf le documentaire "Un grand corps malade de Canal Plus" : la rédaction des lois et décrets arrive à dire l'inverse de ce que propose le ministre. ALors effectivement, il faut désobéir, se révolter, c'est à dire en finir avec l'idéologie de l'expérimentation, le relativisme culturel et cette hiérarchie syndiquée type Frackowiack qui a fait de l'EN sa vache à lait.
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L
Si on se met à sanctionner un professeur sous prétexte qu'il s'oppose à une réforme qu'il trouve insensé, on entre peu à peu dans une dictature.. Ça me fait vaguement penser au film "V for Vendetta" sous certains airs.<br /> <br /> Cher Tartempion, si l'école produit la société comme tu le dis (ce que j'approuve), alors séparons le "pouvoir de l'école" du "pouvoir du gouvernement" pour qu'il puisse y avoir un vrai moyen de développer la réflexion des jeunes.
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T
les parents sont des débiles animés par l'appat du gain, le profit à tirer de la gratuité, la facilité... Des générations entières préfèrent la facilité, le tombé du ciel, le gavage d'oie, parce que ca fait des générations que l'idéologie pédago habitue les enfants et leurs familles à ne plus rien foutre : plus de devoirs, des groupes de discussion à la place des leçons, surtout pas traumatiser les petits chéris.<br /> L'école produit la société, et non l'inverse. Sapez l'école, vous sapez les valeurs communes. Tous les régimes totalitaires l'ont bien compris. L'éduc nat est sous influence depuis toujours. Quand c'est l'influence du nihilisme et du relativisme, enrobé dans de l'humanisme sirupeux, ca donne ça : individualisme, rapiats, jeunisme, mépris du savoir, de la culture et de ceux qui les transmettent. Vous, profs lubinesques, n'avez que ce que vous méritez
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