L'"excellence" scolaire selon Sarkozy
En cette veille de rentrée, la presse ne bruit que de cela. Un « internat d’excellence » conforme aux vœux de Sarkozy vient donc d’ouvrir ses portes à Sourdun (Seine-et-Marne) pour accueillir 128 élèves, exclusivement recrutés parmi les élèves « méritants » des milieux « défavorisés ». Ils sont tous curieusement issus de l’académie de Créteil, la seule, sans doute en France, à scolariser des élèves méritants issus de milieux défavorisés.
Devant les nombreux journalistes convoqués pour la circonstance, le recteur d’académie, émerveillé, ne tarit pas d’éloge : il s’agirait-là, affirme-t-il de la concrétisation d’une « utopie éducative ». En quoi s’agit-il d’un établissement d’excellence ? On ne sait, au juste, puisque les programmes et l’enseignement seront ceux de l’Education nationale. Une certitude, néanmoins : les bonnes fées se sont penchées sur son berceau, généreusement doté par son ministère de tutelle. On apprend en effet que 40 adultes parmi lesquels 16 professeurs sont présents pour encadrer les 128 élèves ce qui donne un taux d’encadrement d’un adulte pour 3 internes ou encore d’un professeur pour 8 élèves. Un encadrement qui fera sans doute rêver les quelque 800 000 autres enseignants confrontés à une troisième année consécutive de suppression de postes, et par corollaire à des classes de plus en plus chargées. Une première tranche de crédit d’1,5 million d’euros a été débloquée, en attendant la suite. Il faut dire que, pour financer les activités des élèves, on n’a pas lésiné sur les moyens : une classe ira à Pondichéry, une autre à Londres, une troisième travaillera avec l’Opéra de Paris. Le soir, les élèves vaqueront à de plus modestes occupations , comme l’équitation ou l’horticulture. Les chefs d’établissement, les profs et les parents qui, partout ailleurs doivent racler les fonds de tiroir pour financer leurs projets éducatifs apprécieront à leur juste valeur les faveurs accordées à l’internat de Sourdun par le seul fait du prince.
« Avec ces moyens sans commune mesure avec un collège lambda, on peut réaliser énormément de projets », explique ingénuement une enseignante. On n’aura pas l’insolence de demander comment il se fait que dans la France républicaine, un établissement se voit ainsi royalement privilégié au détriment de tous les autres ni sur quelle légitimité se fonde cette étonnante distinction entre élèves « méritants » et tous les autres qui, nécessairement, auraient démérité.
Si l’on se réjouit pour les heureux élus, on voit bien que l’ouverture de cet internat s’inscrit avant tout dans une campagne de communication médiatique typiquement sarkozyenne. Dans un contexte de paupérisation de l’école, ces largesses distribuées à une structure dont la pertinence n’est pas démontrée, ne peuvent masquer l’abandon d’un véritable projet éducatif pour le plus grand nombre.