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Journal d'école
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24 janvier 2010

Accès aux grandes écoles : les solutions "simplissimes" d'un chercheur en magnétisme des roches

Dans une tribune au Monde (12/01/2010), Pierre Rochette, professeur à l’université d’Aix-Marseille et chercheur au CNRS, expose ses vues sur la démocratisation de l’accès aux grandes écoles. Pour lui, existe une « solution simplissime », qui consiste à « établir une classe d’excellence par année dans chaque lycée et collège de France et de Navarre ». Solution effectivement « simplissime », à la mesure de l’analyse qui y conduit, en réalité une litanie de poncifs et de lieux communs égrenée par l’auteur. « Aujourd’hui, je peux affirmer que nombre de titulaires du bac scientifique seraient incapables d’obtenir le certificat d’études de 1950 (…) Chaque semaine, je dois apprendre à mes étudiants des notions de base que j’ai moi-même apprises lorsque j’avais cinq ou dix ans de moins qu’eux ». Cette déploration sur la baisse de niveau n’est pas nouvelle dans la corporation des universitaires, pour certains d’entre eux tout moins, pour qui le « niveau » se ramène au nombre de fautes dans une dictée. On s’étonnera quand même de trouver dans la bouche d’un universitaire, chercheur au CNRS, un parallèle – à soixante ans de distance – avec le certificat d’études, souvent entendu au Café du commerce. Mais après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas faire passer le bac S à un titulaire du certif et constater – avec un succès attendu aux environs de 0% - ce qu’il en est de ce fameux niveau.

Cet éminent chercheur, dont on présume qu’il use dans son activité professionnelle d’une démarche rigoureuse, fait preuve dans le dénigrement du système éducatif d’une méconnaissance abyssale du sujet et, à vrai dire, d’un amateurisme affligeant. Lorsqu’il dénonce « un système secondaire (collège et lycée) qui abandonne toute exigence sérieuse de niveau et d’acquisition d’un programme pour seulement gérer le flux d’élèves dans un objectif de zéro redoublement et mobilisation d’un minimum de moyens », on est droit de lui demander depuis combien de temps il n’a pas mis les pieds dans un établissement scolaire ou bien quand, par exemple, il s’est donné la peine de consulter les programmes et les textes officiels. Que ce savant universitaire permette au simple prof de collège qui écrit ces lignes et qui tous les jours se débat avec un programme démesuré et des exigences hors de portée de la plupart des élèves, d’affirmer que ce n’est pas d’un manque d’ambition ou d’exigences dont souffre le collège mais d’être complètement déphasé par rapport au public qu’il est censé toucher et à une époque qui ne considère plus le savoir et la formation comme un amoncellement de connaissances ou de « questions au programme ».

Portons crédit à Pierre Rochette de ne rien dissimuler de ses valeurs ni de sa philosophie dans sa proclamation de « solutions évidentes » : pour lui, « il faut permettre à nouveau aux enfants intellectuellement doués d’accéder à l’excellence sans forcément l’aide de parents privilégiés en leur fournissant un enseignement à leur niveau au collège et au lycée ». Que les enfants « intellectuellement doués » appartiennent dans l’immense majorité aux milieux les plus aisés ne semble pas le déranger outre mesure : il faut accepter l’idée, écrit-il, « qu’il existe des enfants intrinsèquement plus capables que d’autres intellectuellement ». Un scientifique de l’envergure de Pierre Rochette devrait quand même nous expliquer ce qu’est une « intelligence intrinsèque » et comment certaines peuvent être supérieures à d’autres. Le fonctionnaire qu’il est a sans doute oublié que l’égalité reste l’un des fondements de la république qui le salarie. « Il y a cinquante ans – se lamente Rochette – un enfant de parents analphabètes de Tunis ou des campagnes hexagonales reculées, une fois ses dons détectés par ses instituteurs, pouvait être porté au sommet de l’état par un système certes élitiste mais ô combien plus démocratique que le système actuel » (sic). Passons sur l’approximation chronologique – il y a cinquante ans, la Tunisie était déjà indépendante – qui n’entache pas cet éloge pas du tout voilé pour l’époque coloniale, lorsque l’homme blanc, dans sa générosité, savait sélectionner les élites dont il avait besoin, en laissant à leur triste sort les masses paysannes sans doute intrinsèquement moins capables que d’autres intellectuellement…

Le problème avec ce genre de tribune, parue, rappelons-le dans un grand quotidien « de référence », n’est pas tant dans les idées qu’elle exprime – depuis des milliers d’années, il ne manque pas de bons esprits pour pleurer sur la baisse de niveau ou la jeunesse qui ne respecte plus rien - que dans le fait que le quotidien en question puisse ouvrir toutes grandes ses colonnes, comme « référence » justement, à une analyse que rien ne vient étayer. Qui est Pierre Rochette ? Un chercheur au CNRS, spécialiste en magnétisme des roches, titres discutables pour écrire sur un sujet dont il ne connait manifestement rien. On doute, et on l’espère pour lui en tout cas, que ses publications scientifiques soient écrites avec la même désinvolture, l’absence totale à toute référence, en négligeant les principes les plus élémentaires requis en la matière. Voilà qui nous renvoie à la question de l’expertise : suffit-il, pour être crédible, de dérouler des titres universitaires ou un CV ? Le malheur est que c’est effectivement le cas pour ce qui touche aux questions éducatives.

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Commentaires
T
Les rythmes scolaires en France sont sans intérêt, inefficaces, et même parfaitement nuisibles, je vous l'avais dit !<br /> Les adultes ne pensent qu'à eux.<br /> <br /> http://www.academie-medecine.fr/detailPublication.cfm?idRub=26&idLigne=1768
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T
La "baisse de niveau" selon certains universitaires n'est pas partagée par tous, loin de là !<br /> Dernier avertissement en date, celui de l'académie de médecine concernant la semaine de 4 jours. Pourquoi faire, on se le demande ...<br /> <br /> Et surtout, si l'on considère les solutions durables en matière d'éducation que nos chercheurs véritables proposent, on s'éloigne des solutions proposées par des Brighelli, Le Bris ou Bentolila, lesquels ne sont pas forcément chercheurs, quoique cela dépend de ce que l'on entend par "chercheur"!<br /> <br /> Théo<br /> sous Sarkosy
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