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Journal d'école
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12 avril 2010

Identité nationale : l'école en otage

Alors que le résultat le plus évident du débat sur l’identité nationale aura été de faire progresser l’électorat d’extrême-droite - qui a trouvé là une légitimité supplémentaire – au scrutin régional, l’Education nationale s’est trouvée une nouvelle fois mise à contribution avec l’organisation, le 1er avril dernier, d’un séminaire  sur « L’Ecole et la nation », confié à l’INRP. Si de nombreux historiens ont eu l’occasion de dire tout le mal qu’ils pensaient de ce débat identitaire où un affichage prétendument scientifique cache mal de moins nobles préoccupations, force est de constater que l’INRP n’a rien trouvé à redire – son directeur faisant part de son « honneur » d’avoir été choisi (Mot d’accueil de Jacques Moret, directeur de l’INRP) – à une manœuvre de récupération.

La caution scientifique, justement, les organisateurs sont allés la chercher, et l’ont trouvée, en la personne d’Antoine Prost, dont personne ne discute la compétence mais qui, pour la circonstance, semble avoir oublié les règles les plus élémentaires du métier d’historien (Café pédagogique, 02/04/2010). Dans sa conférence inaugurale, il aura dit en quelques mots tout ce que le commanditaire de l’opération souhaitait entendre. Faire remonter la nation à la Révolution française, l’autorise habilement à assurer que « c’est un concept de politique intérieure, pas extérieure », parant d’emblée la nation française d’une aura pacifiste pourtant largement démentie par son histoire. Est-il nécessaire de rappeler que les guerres révolutionnaires ont commencé à l’initiative de la France lorsqu’elle déclare la guerre à l’Autriche au printemps 1792, prélude d’une longue période de conflits meurtriers où la volonté de conquêtes, d’enrichissement, les ambitions personnelles, n’ont guère à voir avec la défense et la promotion des droits de l’homme. De cette idéologie guerrière naîtra la conscription, que les thuriféraires de l’idée nationale persistent à présenter comme le symbole égalitaire par excellence, en oubliant les millions de morts qu’entraînera derrière elle cette monstrueuse création politique. Une nation «pacifique», qui, un siècle plus tard, à l’époque de la république triomphante, dressera des générations d’écoliers dans la haine des Allemands et l’acceptation soumise à la guerre ou qui lancera ses armées dans de brutales conquêtes coloniales ? Ou plutôt une nation qui dévore ses propres enfants ?

Antoine Prost conclut son intervention en citant Péguy : «Une société qui ne s’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas et qui a honte d’elle-même ». Cette formule toute faite, maintes fois entendue ces derniers temps dans la bouche du ministre de l’immigration et de l’identité nationale témoigne d’une confusion – consciente ou non – entre nation et société. De cette identification arbitraire découle toute la politique de brutalisation menée par le gouvernement à l’encontre des immigrés. Car pendant que l’on échange doctement, entre gens de bonne compagnie, dans les salons feutrés de l’INRP, des milliers d’étrangers sont enfermés dans des camps de rétention, d’autres traqués jours et nuits et jetés de force dans des avions, des familles sont séparées. Une politique impitoyable et inhumaine menée à l’initiative de l’organisateur d’un colloque – car il s’agit bien évidemment du même, l’Education nationale jouant ici les utilités - aux objectifs biaisés, dont les participants, conduits à penser la société dans le cadre voulu par le gouvernement, se trouvent ainsi manipulés et récupérés.

En lançant le débat identitaire à l’automne dernier, Eric Besson précisait ses objectifs dans une circulaire aux préfets restée célèbre : « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaire génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, la suspicion vis-à-vis de l’ensemble des étrangers » (circulaire du 2 novembre 2009). L’Education nationale a-t-elle vocation pour collaborer à une opération de communication qui ne cherche même pas à dissimuler ses motivations racistes ? Avec 800 000 enseignants et 12 millions d’élèves, le ministre n’est pas le seul autorisé à répondre.

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Commentaires
T
L'Éducation Nationale, qui malgré les chantiers immenses dont elle pourrait être porteuse, s'est déjà faite remarquer récemment en retirant lamentablement son soutien, la queue entre les jambes, sous la pression notamment entre autres de groupes chrétiens (pas seulement extrémistes), au film "Le baiser de la Lune."<br /> <br /> Justement donc, en fait, pour NE PAS se faire remarquer et surtout NE PAS aller de l'avant.
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T
N'importe comment, je voudrais bien comprendre ce qu'il faudrait comprendre à l'intérêt de la politique gouvernementale actuelle !<br /> <br /> Si certains ici peuvent m'éclairer ...<br /> <br /> Merci d'avance,<br /> <br /> Théo
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