Une leçon d'éducation civique
Les faits se déroulent à l’école publique de Saint-Jean-d’Assé, petite commune voisine du Mans (Ouest France, 18/05/2010). 260 euros ramassés pour la tombola de l’école disparaissent dans le bureau de la directrice. Coupables désignés : les élèves. Manifestement très sensible au climat sécuritaire ambiant, la directrice appelle sans hésiter les gendarmes en présence desquels les enseignants se livrent sans états d’âmes apparents à une fouille au corps sur tous les élèves de CM2. Comme dans une série télévisée, un gendarme menace : « on a retrouvé des empreintes, si personne ne se dénonce, on prendra vos empreintes pour comparer. » Mais on n’est pas dans une série télévisée et les enfants pleurent. Pas de chance pour les rambos : l’empreinte relevée sur la cassette qui contenait l’argent, s’avère être celle d’un adulte et non d’un enfant. Le meilleur reste à venir avec la réaction du préfet de police, pardon, de l’inspecteur d’académie pour qui « les empreintes, ça ne fait pas de mal (…) on est aussi dans l’éducation civique. »
Récapitulons : des enfants de 10 ans malmenés, fouillés au corps, apeurés, humiliés publiquement, mais tout cela n’est finalement que de l’éducation civique. Une fois leur erreur reconnue, était-il vraiment inconcevable que les adultes impliqués présentent leurs excuses aux enfants ? Pourquoi exige-t-on d’un élève qu’il s’excuse lorsqu’il a manqué de respect envers des adultes alors qu’en sens inverse, le manque de respect envers des enfants se voit légitimé comme une leçon de civisme ? Pour un adulte en charge d’enfants, c’est le signe d’une grande faiblesse que de ne pas savoir reconnaître ses torts, mais les enfants ne sont pas dupes. L’irrespect trop souvent reproché aux ados, en collège par exemple, se demande-t-on seulement d’où il vient ? Il est vrai que c’est le genre de question qu’une société, qu’un pays, arc-boutés sur leur croyance aux bienfaits des châtiments corporels sont sans doute à mille lieux de se poser.
Que retenir en conclusion de cette triste pantalonnade où l’Education nationale montre une nouvelle fois le peu de cas qu’elle fait du droit de l’enfant au respect (Janusz Korczak est toujours autant d'actualité) ? Les intrusions policières dans les écoles sont devenues la norme, avec la complicité, active ou tacite d’enseignants qui ne semblent pas avoir besoin de forcer leur nature pour appliquer à la lettre les directives officielles. A Saint-Jean-d’Assé, le partenariat police-école fonctionne à merveille.