Saint-Quay déclare la guerre aux enfants
Saint-Quay-Portrieux (Côtes d’Armor), ses plages, son port de pêche, ses manoirs et ses vieilles chapelles, son maire. Une petite station balnéaire de 3000 habitants qui voit chaque été sa population tripler. Avec, comme d’habitude, son cortège de nuisances, de tracas le plus souvent bénins, de chahuts nocturnes. Bref, pas de quoi fouetter un chat. Sauf pour le maire, qui voit là l’occasion de faire parler de lui dans la presse locale (Ouest France¸28/07/2010) tout en flattant son électorat : les responsables de tous les maux ne peuvent être que les jeunes. La décision s’impose : un décret municipal impose dorénavant le couvre-feu pour tous les mineurs de 16 ans. Le maire est pourtant bien en peine d’attribuer à cette catégorie d’âge quelque responsabilité que ce soit, puisque, de son propre aveu, « personne n’a identifié le groupe, ils peuvent très bien être majeurs », ajoutant, mais c’est sans doute pour rire : « C’est un arrêté préventif. On souhaite protéger les mineurs ». Belle hypocrisie de la part du maire, qui, sur le blog officiel de la commune, affiche sans fard ses convictions profondes, justifiant sa décision par le souci de «contribuer à la protection des mineurs de moins de seize ans contre les dangers auxquels ils sont tout particulièrement exposés (la nuit) et qui tiennent tant au risque d’être personnellement victimes d’actes de violence qu’à celui d’être mêlés, incités ou accoutumés à de tels actes.» Autrement dit, aux yeux de ce maire étiqueté divers droite (comprenez à droite de l’UMP), tout mineur n’est qu’un délinquant en puissance et doit donc être traité comme tel : mis à l’écart.
Cette anecdote dépasse le cadre des simples faits divers de vacances. La méfiance autour des jeunes, entretenue par des politiciens démagogues et partagée par une large partie de l’opinion, autorise les pires dérives de l’action publique : à défaut de traiter les problèmes à la source, on préfère stigmatiser, désigner des boucs émissaires, déclarer la guerre à, partir en guerre contre. Une société qui ne s’étonne même plus qu’un terme comme « couvre-feu », issu de la terminologie militaire, s’applique à ses propres enfants.
Aujourd’hui, gouverner consiste principalement à désagréger la société en catégories rivales, certaines se voyant ravalées au rang d’ennemis : les jeunes, les Arabes et plus généralement les immigrés, les Roms et les gens du voyage. A qui le tour ?
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