Les retraites mais après ?
Dans le Café pédagogique (14/10/2010), une pertinente tribune signée Stéphan Krécina, co-président de l’Association nationale des CPE. Extraits :
« (…) L’émergence des idéologies libérale et sécuritaire en éducation nous oblige à nous interroger sur le rôle que nous voulons jouer en tant qu’association professionnelle. Les choix sont limités : accompagner leur développement si nous le jugeons professionnellement profitable ou alors résister, construire d’autres perspectives par devoir, par honnêteté intellectuelle, par professionnalisme (...)
Il y a encore peu de temps le seul vocable de « préfet » [à propos de la création de 105 préfets des études dans le cadre du programme CLAIR] aurait suffit à faire s’élever les voix des intellectuels de notre pays. Sa connotation archaïque et ambiguë aurait été brocardée au-delà des médias par quelques experts, accréditant ainsi le ridicule de la dénomination, mais ce temps semble révolu. Aujourd’hui tout ce vocabulaire est volontairement utilisé car il rassure. L’éducation, comme d’ailleurs tous les sujets qui traitent du développement et du progrès de l’être humain, ne semble plus faire débat, masquée par le voile sécuritaire qui l’enveloppe. Notre association est réaliste quant à la portée de son action mais ne souhaite pas cautionner ce silence et cette négation de la démocratie participative. Elle appelle simplement à l’aide des « intellectuels-porte-drapeaux » qui n’auraient pas encore abdiqué, pour essayer de porter plus en avant le débat. Car n’est-ce pas leur rôle que de veiller, d’alerter, de mettre les limites nécessaires aux dérives politiques de nos sociétés, de faire contre pouvoir ? »
Qui donc n’aurait pas encore abdiqué ? Une tribune qui prend un relief particulier dans le contexte actuel. Car si les manifestations de rue peuvent donner le change, force est de constater qu’il aura fallu que le pouvoir s’attaque à leur porte-monnaie ou à leur train de vie pour que les Français commencent à s’opposer massivement à cette politique « libérale-sécuritaire », une opposition où la dénonciation du libéralisme l’emporte probablement sur celle du sécuritarisme. Avant les démonstrations de force des derniers jours, combien sont descendus dans la rue pour prendre la défense des Roms, des immigrés, des victimes des bavures policières, pour tenter de s’opposer à la brutalisation obstinément érigée en mode de gouvernement depuis plus de trois ans ? Interrogé par Emmanuel Davidenkoff (France info, 13/10/2010) sur la mobilisation « en demi-teinte » des enseignants, Eric Favey, secrétaire général adjoint de la Ligue de l’enseignement évoque en guise d'explication la désillusion, le manque de confiance de ces derniers envers leur institution. Argument peu convaincant, qui ne dit rien du lourd silence qui aura accompagné chez une majorité d’enseignants la politique éducative décidée sous Sarkozy. Silence complice qui vaut consentement ? Mais à vrai dire, combien d’enseignants ont fait entendre leur voix pour dénoncer la suppression de la formation des profs, l’idéologie passéiste qui inspire la plupart des mesures annoncées ces dernières années et surtout la lourde stigmatisation dont font l’objet les élèves - les brutalités policières du jour contre ces lycéens en sont un nouvel avatar - et dont chacun semble en fin de compte s’accommoder ? Rarement les enseignants auront été aussi peu contestataires, aussi peu vindicatifs que sous Sarkozy. Un constat qui laisse dubitatif sur la portée du mouvement social en cours.
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