Retraites et formation des profs, même dérive
Pour le gouvernement et certains organes de presse, les débordements et désordres de ces derniers jours seraient imputables aux syndicats et à une partie des enseignants qui auraient incité les jeunes à descendre dans la rue pour y semer la violence. C’est non seulement prêter aux profs un bien improbable pouvoir de persuasion sur leurs élèves mais surtout faire preuve d’une colossale mauvaise foi dans l’appréciation des événements provoqués précisément par le refus brutal du pouvoir politique de prendre en considération l’avis des partenaires sociaux, un avis pourtant légitime eu égard à l’importance du sujet.
De quoi les troubles actuels sont-ils les révélateurs sinon de l’incommensurable mépris dans lequel le gouvernement tient toute forme de critique - pas loin d’être considérée comme un délit – et ceux qui la formulent, tout simplement parce qu’ils sont dans leur rôle ? On peut, d’une certaine façon, rapprocher la réforme des retraites de celle de la formation des profs dont les effets dévastateurs n’ont pas tardé à se faire sentir. Dans les deux cas, une concertation inexistante, le refus de toute objection même des plus constructives, un rejet de l’expertise et une certaine forme d’amateurisme très sarkozien, une incapacité à prendre en considération la complexité d’un objet, qui se traduit par la préférence pour les choix les plus superficiels, voire caricaturaux. Aussi bien pour les retraites que pour la formation des enseignants, était-ce si difficile de se réunir autour d’une table pour écouter le point de vue des uns et des autres ? Pour Sarkozy, il est manifeste que cette écoute est impossible et c’est bien cela qui inquiète. Avec lui, on a vu se mettre en place, bien plus vite que prévu, un mode de gouvernement qui s’appuie sur la décision personnelle du détenteur de l’autorité, la suppression des intermédiaires au profit d’une relation qui se veut exclusive entre le chef et son peuple. Quelque chose qui s’écarte des principes démocratiques pour virer au populisme. Et lorsque, comme c’est le cas aujourd’hui, l’opposition s’exprime avec une vigueur inaccoutumée, il ne reste au pouvoir que le seul recours à la répression : une réforme des retraites certes votée par le parlement mais dont les décrets d’application sont confiés aux CRS.
Une analyse que l’on peut appliquer aux violences observées dans une certaine jeunesse, celle des banlieues, tombées depuis 2002 sous la responsabilité quasi unique d’un ministre de l’Intérieur arrivé par accident aux plus hautes fonctions et qui s’en est remis au kärcher pour ramener l’ordre et la prospérité dans les quartiers déshérités. Un peu court comme politique de la ville.
La seule certitude pour les jours qui viennent est que les lycéens seront vendredi en vacances. Un peu court comme rétablissement politique.
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