Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'école
Publicité
Archives
27 mars 2011

De "La journée de la jupe" aux lycéennes en robe, les mêmes fantasmes sur l'Islam

Avec « La journée de la jupe », film plutôt mal inspiré et très approximatif sur le contexte éducatif, équivoque au point de recueillir les suffrages unanimes de l’extrême-droite, la jupe portée par une enseignante était présentée comme le symbole d’une femme libérée, en proie aux sarcasmes, aux vexations infligées par des élèves très majoritairement d’origine immigrée et musulmane. Aujourd’hui, au lycée Auguste-Blanqui à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) la robe longue portée cette fois-ci par quelques jeunes filles ne peut être que le signe de l’aliénation religieuse ou l’affirmation du communautarisme musulman. Convoquées par la direction de l’établissement, elles se sont vu intimer l’ordre d’ôter « ce signe religieux ostentatoire » (France Soir, 23/03/2011). Morale de cette histoire de fringues : quoiqu’elles fassent, les jeunes musulmanes ne peuvent être que des femmes soumises, manipulées ou manipulatrices et leurs homologues masculins des machistes dominateurs.

Cet épisode prend un relief tout particulier dans le contexte politique actuel de stigmatisation de l’Islam. Car même en attribuant, ce qui n’est pas prouvé, une dimension provocatrice à l’attitude des lycéennes, ce ne serait finalement qu’une juste et bien modeste réponse aux provocations, érigées en politique d’état, dont fait l’objet toute une partie de la population française : du débat sur l’identité nationale à celui sur la laïcité lancé par l’UMP, en passant par la récente loi sur l’immigration, jusqu’aux attaques verbales ouvertement racistes entendues ces derniers mois dans la bouche des plus hauts responsables politiques du pays, tout est mis en œuvre, avec des motivations électoralistes qui ne se cachent même plus, pour dresser une partie de la société contre l’autre.

Dans cette stratégie fondée sur les fantasmes et les phobies, il y tout lieu de s’inquiéter du rôle que l’école est amenée à jouer, avec la complicité de quelques-uns de ses acteurs. Au ministère de l’Education nationale, on s’active sur une circulaire visant à interdire à des mères de famille portant un foulard d’accompagner les sorties scolaires, circulaire d’autant plus incompréhensible qu’elle vise des femmes dont l’engagement au sein de l’école est plutôt le signe d’une réelle insertion dans le milieu local. Le Haut conseil de l’intégration, qui apparaît aujourd’hui comme le fer de lance de l’islamophobie, n’en finit pas de publier des rapports alarmistes et fantaisistes qui font de l’immigration, nécessairement inassimilable, la source de tous les dysfonctionnements de l’école.

Certains chefs d’établissements, peut-être également préoccupés par la prime de fin d’année qu’on leur fait miroiter, privilégient l’obéissance aux directives officielles avant l’exercice d’un minimum d’esprit critique. Dans l’affaire de Saint-Ouen, affligeante est la prise de position de ces enseignants affiliés au SNES 93, qu’une robe longue semble affoler, qui préfèrent s’en remettre au ministre plutôt que de faire preuve d’un minimum de bon sens : « ce problème – affirment-ils sans crainte du ridicule – pose une vraie question de fond que le rectorat et, au-delà, le ministère devront trancher : cette robe longue est-elle une tenue traditionnelle ou une tenue religieuse ? »(France Soir, ibid)). Grave question, assurément, qui fait de la tenue vestimentaire des élèves la mesure de toutes choses. Traditionnelle ou religieuse, en quoi, au juste, une robe contreviendrait-elle aux principes de respect mutuel qu’on peut exiger dans un établissement scolaire ? Le principe de laïcité qu’on prétend défendre se trouve ainsi perverti par des préoccupations qui lui font perdre sa signification, pour s’égarer dans les affres d’une police des mœurs ou dans la dénonciation d’un communautarisme imaginaire, une accusation qui mène aux pires dérives politiciennes comme on le voit aujourd’hui.

Face à la montée du Front national aux élections cantonales, politologues et experts s’interrogent doctement pour en comprendre les raisons. Multiples et diverses, sans doute mais il n’empêche que tant qu’un syndicat d’enseignants, majoritaire dans le secondaire, considérera la robe de quelques élèves comme une « vraie question de fond », l’extrême-droite n’en finira pas de progresser dans l’opinion.

 

[Pour naviguer sans pub sur Journal d'école : Firefox+Adblock]

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Je n'interdis pas à qui que ce soit, et surtout à Lubin de critiquer, je pense qu'il est passé maître dans l'art de la critique, voire de la satire. Je lui signalais qu'à mon humble avis, il se trompait de cible. M'enfin, j'ai pu aussi m'égarer. Vous avez raison de parler de lâches, et surtout de rappeler cette évidence qui est que les chefs d'établissement ne sont pas confrontés a leurs élèves. Quotidiennement. Heure après heure. Très directement. <br /> <br /> Dans le contexte ou un rapport sur la violence dans les établissements subis par ceux ci vient de sortir, votre remarque est particulièrement savoureuse. <br /> <br /> Quant à la 2e partie de votre message, je n'y comprends rien. <br /> <br /> En tout cas, Lubin, vous avez 2 commentaires !
Répondre
T
Il est bien clair que lorsque l'on choisit de faire carrière dans la direction ou l'inspection, on doit s'attendre, en dehors du fait de ne plus être très directement, quotidiennement, heure après heure, confronté aux élèves et aux classes,à quelques interrogations sur le rôle,les motivations et parfois malheureusement l'efficacité de certains supérieurs hiérarchiques, enseignants d'autrefois s'étant en réalité, les traîtres, les lâches, échappés des classes...<br /> <br /> Car un seul adulte, en dehors de ses parents, convient aux enfants : l'instituteur. Il remplira son rôle et augmentera son salaire indigne quand tous les crétins consommateurs cesseront de s'inquiéter, ou pas d'ailleurs, pour le montant de leurs courses chez Carrefour ou Leclerc ou Intermarché,etc., ... dont la politique consiste très exactement à générer des profits, ce qui est logique et attendu.
Répondre
L
C'est une analyse qui en vaut une autre, d'autant que je ne suis pas dans le secret des dieux (de la salle des profs, pardon pour eux...). Remarquez néanmoins que la critique porte surtout sur la réaction syndicale.<br /> Merci de me lire ; ça devient tristounet, ce blog.
Répondre
M
"Certains chefs d’établissements, peut-être également préoccupés par la prime de fin d’année qu’on leur fait miroiter, privilégient l’obéissance aux directives officielles"<br /> <br /> Et Bim, encore un procès d'intentions. <br /> <br /> A mon tour : "Certains chefs d’établissements, peut-être également fortement mis sous pression par leur salle des professeurs, sommés d'agir et d'envoyer un message de soutien a une équipe pédagogique déboussolée qui fait de cette histoire d'habits un cheval de bataille de plus ont préféré lâcher du lest la dessus plutôt que de voir une énième fois leur établissement bloqué et au final, leurs élèves en pâtir" mais bon, je suppose, et je m'égare. Il est bien évident que le sens critique me manque, à moi, qui applique les directives sans réfléchir, obnubilé par ma paye. <br /> <br /> Encore une fois, je pense que vous vous trompez de coupable. M'enfin, je vous lis toujours.
Répondre
Publicité