La gifle, version socialiste du kärcher
Un maire qui se vante d’avoir frappé un de ses administrés : cela se passe à Villeneuve-sur-Lot où, au cours d’une altercation bénigne, Jérôme Cahuzac, député maire PS, a giflé violemment un jeune de 20 ans, qui paraît-il, l’avait agressé verbalement (Libé, 23/04/2011).
Perdre son sang-froid au point d’en venir aux coups est déjà en soi une chose peu banale pour un élu dont ou pourrait attendre des réflexes un peu plus réfléchis et constructifs dans la gestion des conflits mais en revendiquant son geste, le maire en donne une lecture politique dont il compte sans doute tirer avantage en une période où la brutalité de l’action publique s’affiche décomplexée et prétend se confondre avec l’autorité.
Par un de ces amalgames qui sont la règle en la matière, Cahuzac transforme un banal fait divers en fait de société : usant et abusant de la sempiternelle dénonciation de « l’autorité familiale déficiente ou absente », il voit dans les insultes dont il a fait l’objet la « transgression d’un symbole » face à laquelle il avait le « devoir de ne pas reculer », avant d’en appeler à « une présence plus régulière d'effectifs de police sur le terrain ». CQFD…
Avec cette autojustification – la gifle, seul moyen de calmer un jeune mal élevé – c’est la légitimité des coups en matière éducative qui se trouve affirmée, une particularité d’ailleurs bien française, la France restant un des seuls pays du Conseil de l’Europe à ne pas les interdire. Un procédé qui laisse pantois l’auteur de ces lignes comme la plupart de ses collègues enseignants qui se refusent, quelles que soient les circonstances, à lever la main sur leurs élèves : car les coups déshonorent ceux qui les portent et leur fonction – c’est toujours un plus petit qu’on frappe – et ne font que renforcer les tendances à la violence.
Cet épisode renvoie également la gauche et le Parti socialiste à leurs ambigüités idéologiques. Les tartarinades du député maire de Villeneuve-sur-Lot s’inscrivent dans une tradition sécuritaire fortement revendiquée et incarnée, de longue date, par toute une mouvance qu’on qualifiera, pour faire court, de chevènementiste. C’est bien à Chevènement que l’on doit, en 1998, la dénonciation des « sauvageons », qui ressemblent comme deux gouttes d’eau – jeunes, la peau sombre, habitant d’inquiétantes cités – à la « racaille » stigmatisée beaucoup plus tard par Sarkozy. Et dans cette optique, les coups portés à un jeune par un élu PS ont des allures de kärcher.
Il n’est toutefois pas certain que la récupération des préoccupations populistes par la gauche suffise à écarter les braves gens du vote d’extrême-droite. C’est même tout le contraire.
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