Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'école
Publicité
Archives
2 mai 2011

Du bon usage de l'histoire de France

Quel rapport entre Bouvines (1214), le chemin des Dames (1917) et les élections présidentielles (2012) ? A travers ce rapprochement chronologique osé, qui ne s'embarrasse guère de la démarche de l'historien, Le Pen, dans son discours du 1er Mai, voit le symbole des « combats historiques pour la liberté, les combats de millions d’anonymes qui sont tombés pour elle », pas moins (Libé, 01/05/2011). Foin de l’anachronisme : elle s’autorise même un parallèle entre les Bourguignons de la guerre de Cent ans et les « collabos » de 1940.  Philippe le Bon, duc de Bourgogne et protecteur des artistes, assimilé à Pétain et  Edouard III d’Angleterre grimé en Hitler. Un amalgame burlesque qui révèle une profonde inculture historique mais pas seulement.

Le leader d’extrême-droite ne se laisserait pas aller à ces dérapages sans la certitude d’être entendue, au moins par une partie de l’opinion. Celle, par exemple, dont les connaissances historiques  se limitent à la chronologie sommaire et factice apprise à l’école, à laquelle les derniers programmes de primaire (2008), inspirés du Petit Lavisse, ont donné une nouvelle jeunesse. L’histoire-bataille, les « grands personnages » - le plus souvent de grands criminels – sont la référence obligée de la thématique et du discours de Le Pen. L’écho qu’elles peuvent rencontrer ne serait pas possible sans l’imprégnation durable des savoirs scolaires par un mythe national élaboré de longue date et dont l’école, sauf en de rares occasions, n’a jamais réussi à se départir.

Cette instrumentalisation de l’histoire n’est évidemment pas sans conséquences puisque, construite autour de la guerre et de la figure de l’ennemi, elle ne peut se perpétuer qu’en en créant de nouveaux. Dans cette optique, le rappel de Bouvines et de Jeanne d’Arc conduit tout naturellement à la grande peur de l’immigration et à la phobie de l’Europe qui restent le fond de commerce de l’extrême-droite.

Le détournement de l’histoire à des fins politiques n’est certes pas l’apanage de l’extrême-droite, chaque parti, chaque mouvement d’opinion mettant en avant tel épisode ou tel personnage selon la cause à défendre. Le plus souvent sans rapport avec la situation présente, il permet précisément à ceux qui s’y livrent, en détournant l’attention des problèmes actuels, de se satisfaire de schémas simplistes et déconnectés de la réalité contemporaine.

La mondialisation ou les problèmes environnementaux, pour ne citer qu’eux, seraient donc solubles dans Bouvines ? L'interprétation incorrecte et néanmoins pleinement assumée d’un passé fantasmé montre à quel point le débat politique peut être déconnecté des véritables enjeux politiques. L'usage abusif de l'histoire interroge également les institutions sur leur propre validité : futile et insignifiant, surtout dans le cadre d’une élection présidentielle censée désigner le plus haut responsable d’un pays, la rhétorique pseudo-historique de Le Pen tourne à vide dans ce qui apparaît comme un détournement du débat démocratique.

 

[Pour naviguer sans pub sur Journal d'école : Firefox+Adblock]

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Personnellement, j'aime bien enseigner l'histoire avec les dvd de "faites entrer l'accusé", c'est bien puant et ça montre bien qu'il faut faire bien attention à ses fesses car on est toujours rattrapé. Je me marre !<br /> A quand des émissions de cette série débile sur la préhistoire, l'antiquité, le moyen âge, ou la troisième république etc ... qui nous montreront comment nos ancêtres n'ont PAS été placés en garde à vue !
Répondre
Publicité