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Journal d'école
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13 septembre 2011

La prison ou la caserne ? La peste ou le choléra ?

Dans sa fuite en avant carcérale – 30 000 places de prison supplémentaires financées en toute logique par la suppression des postes d’enseignants et la fermeture d’écoles – Sarkozy reprend à son compte la vieille idée d’encadrement militaire pour les mineurs délinquants, proposée par  Ciotti, mais popularisée par Royal, qui se vante d’en avoir été la promotrice lors de sa campagne électorale de 2007, allant même jusqu’à regretter aujourd’hui qu’avec l’annonce de Sarkozy, « seuls 200 mineurs » seraient concernés. Qu’une certaine fraction de la gauche rêve d’une jeunesse en uniforme et au garde-à-vous n’est pas à proprement parler une découverte.

La proposition de loi tendant à ce que des mineurs condamnés puissent choisir d’effectuer leur peine au sein d’un établissement d’insertion de la défense (EPIDE) plutôt qu’en prison s’éclaire par la méfiance obstinée de son auteur pour la justice des mineurs et la croyance naïve dans les vertus de la discipline militaire.

La conviction en l’efficacité éducative de l’armée a la vie dure dans un pays qui semble largement partager la nostalgie du service militaire, oubliant ce qu’il était réellement et surtout entretenant une curieuse confusion sur la finalité de ce dernier. Jusqu’à plus ample informé, la fonction de l’armée est de protéger un pays d’une agression extérieure, même s’il est vrai qu’il faut remonter à loin dans l’histoire pour voir l’armée française s’acquitter à bien de cette tâche. Le service militaire, n’en déplaise à ceux qui ne veulent en voir que l’aspect folklorique, consiste à se préparer à la guerre, c’est-à-dire à tuer ou se faire tuer sur ordre. De ce point de vue, on peut affirmer que la conscription fut une des institutions les plus criminelles qui soient, responsable, dans son court mais meurtrier siècle d’histoire, de la mort de millions de jeunes hommes qui ne demandaient qu’à vivre.

Faire la guerre, puisqu’il faut bien appeler la chose par son nom, nécessite de s’appuyer sur une certaine forme de discipline, particulièrement brutale, fondée sur l’obéissance absolue aux ordres, même inhumains, à la soumission irréfléchie à la hiérarchie. Si l’on veut bien considérer que la délinquance d’un mineur relève d’abord d’une inadaptation à la société, on a du mal à croire que sa réinsertion, impliquant une acceptation réfléchie des règles qui la régissent, pourrait, de près ou de loin, s’inspirer d’une logique de déstructuration, d’abrutissement de la personne humaine, caractéristique de la discipline militaire. S’il s’agit – comme le prétend Ciotti – « de leur inculquer à la fois un savoir être et un savoir-faire, grâce à une discipline stricte inspirée de la rigueur militaire », l’armée apparaît plutôt alors comme un contre-exemple. 

En terme de réinsertion de jeunes en difficulté, l’armée ne brille d’ailleurs pas par ses résultats : créée en 2005 avec un objectif affiché de 10 000, puis, à terme, de 50 000 jeunes, l’EPIDE intègre péniblement, en 2010, 2250 inscrits, avec un taux de démission en cours de route de 38% et à l’arrivée un emploi stable pour un jeune sur deux. Des résultats à mettre en rapport avec l’encadrement hors norme – 969 adultes pour 2250 jeunes – à faire rêver enseignants et éducateurs de toutes les autres structures, confrontées à des réductions drastiques en personnels.

Une autre structure (Jeunes en équipe de travail ou JET), fonctionnant sur le même principe, avait été supprimée en 2003 pour cause d’inefficacité chronique et de coût financier exorbitant : deux millions d’euros par an alors qu’au final, de l’aveu même des responsables militaires, seul un jeune sur trois confiés à l’armée ne retombait pas dans la délinquance. On ne s’improvise effectivement pas éducateur.

De Ciotti, on ne compte plus les initiatives législatives confondant dans une même logique prétentions éducatives et sécuritaires : avant d’être à l’origine de la suppression des allocations familiales pour les familles d’élèves absentéistes, il s’était par exemple signalé par un projet – finalement avorté - visant à faire condamner les parents de mineurs délinquants. Cette hyperactivité qui tourne à vide est en réalité révélatrice du refus, de l’incapacité, à prendre en considération la complexité des problèmes et la préférence, typique de la présidence sarkozyenne, pour les mesures simplistes autant qu’inefficaces.

 

[Texte repris et actualisé de Journal d'école du 04/08/2011]

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