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Journal d'école
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4 décembre 2011

La sinistre figure des braves gens

Un fait divers qui nous replonge loin en arrière, à l’époque des grandes frayeurs collectives et qui en dit long sur la dégradation de l’opinion publique y compris, et peut-être d’abord, quand l’école est en jeu. A Brest, il ya quelque jours, un homme de 65 ans, suspecté d’être un pervers sexuel, pris en chasse par des parents d’élèves, se réfugie dans le hall de son immeuble avant d’être interpellé et immobilisé par des policiers appelés en renfort. Immobilisé est le mot qui convient : il meurt sur le coup. Crise cardiaque probablement. Après enquête – on aurait pu enquêter avant – il apparaît que l’homme n’a pas de casier judiciaire et que dans le cas présent, on n’avait rien à lui reprocher. Mort pour rien, tué par la rumeur et la bêtise des braves gens. Un homme sans doute un peu simple – il était placé sous curatelle – et qui vivait à proximité d’une école, circonstance aggravante à n’en pas douter (Libé, 01/12/2011).

Récapitulons : en pleine ville, un homme coursé comme une bête, traqué par des poursuivants « en furie », selon un témoignage (Ouest France, 30/11/2011), des policiers qui, au lieu d’arrêter les agresseurs, menottent brutalement la victime, qui fait un malaise. A ce jour, non seulement aucune suite judiciaire n’est envisagée, mais dans le quartier, les parents ne semblent même pas conscients de la gravité des faits : « Il est mort, je n'ai pas de réaction. Je pense que c'est un mal pour un bien. Maintenant, je suis tranquille » a cru bon ajouter une brave dame pour tout regret.

Trop facile de justifier ce fait divers par le souci de protéger les enfants des malades sexuels. Les faits de pédophilie ont le plus souvent pour décor l’intimité familiale et les agressions dans la rue ou à proximité des écoles restent statistiquement exceptionnelles. L’irruption de la figure du pédophile dans le débat public ces dernières années, au point d’en faire la menace absolue, est trop politique pour être honnête : couplé au refrain tant entendu sur la récidive ou le prétendu laxisme de la justice, la question de la pédophilie a fait l’objet d’un détournement de sens qui a rendu possible un alourdissement du code pénal, une surveillance accrue et une brutalisation de la société, sans rapport avec le sujet… et qui, paradoxalement, ciblent les enfants de plus en plus jeunes. Ainsi, pour la droite, comme on l’a vu ces derniers jours, la sécurité des enfants ne peut venir que de l’abaissement de la majorité pénale à 12 ans (Journal d’école, 21/11/2011). Dit autrement, « l’enfant-victime est utilisé pour renforcer la peine du coupable alors que l’enfant-coupable se voit refuser l’excuse de minorité » (Journal d’école, 18/08/2011).

Dix ans de sarkozysme ont fait dans l’opinion publique des dégâts impressionnants et il faudra sans doute plus qu’une simple alternance politique au printemps prochain pour faire évoluer les mentalités.

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