Apprentissage à 14 ans : clap de fin ?
Rappel chronologique :
- par la loi du 28 mars 1892, Jules Ferry rend l’enseignement obligatoire jusqu’à 13 ans ;
- le 9 août 1936, Jean Zay allonge l’enseignement obligatoire jusqu’à 14 ans ;
- l’ordonnance du 6 janvier 1959 prolonge l’enseignement obligatoire jusqu’à 16 ans ;
- le décret du 17 février 2012 rend possible des « dispositifs d’alternance » pour les collégiens dès la classe de quatrième. Dans la torpeur des vacances d’hiver, le gouvernement tire un trait sur deux siècles d’allongement de l’instruction pour tous et rétablit de facto l’apprentissage à 14 ans (le Monde, 18/02/2012).
Au-delà des conséquences concrètes pour les élèves qui en seront les victimes, cette mesure vaut surtout pour l’idéologie qui l’inspire, ces fameuses « valeurs » vantées par Sarkozy. Elle intervient en effet au terme d’une période qui a vu l’éducation faire les frais d’une vision simpliste et caricaturale des problèmes, imprégnée de nostalgie pour le passé, de moralisme naïf, de conservatisme social, d’autoritarisme et de mépris dans les prises de décision.
Cette mesure est, d’une certaine façon, en cohérence avec l’approche suivie ces dernières années en matière d’échec scolaire, considéré comme une faute personnelle ou, à tout le moins, un manque d’appétence pour l’effort et le travail, qui n’appellent qu’une solution : l’exclusion du système éducatif par la mise en apprentissage précoce. Face aux élèves en difficulté, détectés par une batterie d’évaluations plus chronophages qu’efficaces, on a multiplié les dispositifs individuels dits de soutien mais le plus souvent de pur rabâchage. On n’insistera pas non plus sur les mesures, pourtant coûteuses en crédits publics, destinées à amuser la galerie, comme les internats d’excellence. En tout état de cause, on s’est toujours refusé à une réflexion globale autour d’un problème pourtant inséparable du système éducatif qui l’engendre et en particulier de l’incapacité du collège à gérer correctement la diversité des élèves.
On aimerait que le décret instituant les dispositifs d’alternance pour les collégiens soit comme le clap de fin d’un régime politique qui aura surtout montré incompétence et brutalité dans la gestion des questions éducatives, incompétence et brutalité qu’il revendique d’ailleurs aujourd’hui comme un succès. Force est toutefois de constater que cette dernière mesure ne suscite pas des réactions à la mesure de l’enjeu, un peu comme si une majorité de l’opinion publique n’arrivait pas à se défaire de cette image sur les élèves « pas faits pour les études », une image d’autant plus pernicieuse qu’elle est souvent très présente dans les familles modestes, pourtant les premières concernées.