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Journal d'école
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2 mars 2012

Ecole : le libéralisme n'est pas un humanisme

Construction de 24 000 places de prison supplémentaires votée en urgence mardi soir, feu vert pour la carte d’identité biométrique : pendant la campagne électorale, les travaux continuent. Reconnaissons à Sarkozy la constance de ses choix idéologiques – surveiller et punir – même s’ils tournent à vide, comme chacun peut s’en rendre compte.

Des choix qui s’appliquent également à l’école, déguisés sous un abus de langage : derrière la revendication de l’ « autonomie » des établissements, du « libre choix » de l’école par les familles, c’est en réalité à un renforcement de l’autorité et de la hiérarchie en milieu scolaire que travaille la droite. Que les chefs d’établissement recrutent leurs enseignants ? Outre qu’on ne voit pas en quoi cette mesure pourrait comme miraculeusement améliorer la qualité de l’enseignement, il n’est pas nécessaire de creuser bien loin pour voir dans cette mesure la volonté du ministère de se débarrasser de ce qui est considéré comme un frein – d’ailleurs plus imaginaire que réel – à son action. La caractéristique du système éducatif, hyper centralisé, réside dans une organisation pyramidale des services – le ministre et ses services, les recteurs, les inspecteurs d’académie et les établissements  – l’uniformité des procédures qui en découle et à la rigidité des programmes. L’application sur le terrain dépend évidemment de nombreux facteurs parmi lesquels l’empressement, les réticences ou les résistances des personnels. Avec l’autonomie des établissements, c’est ce verrou qu’on veut faire sauter.

A partir du moment où le ministère prétend conserver la nomination des chefs d’établissement, accorder à ces derniers des prérogatives accrues dans la gestion des enseignants – leur nomination, leur notation et donc leur avancement – équivaut en réalité à un renforcement de l’autorité de l’état, de sa tutelle, qui s’appuierait sur une hiérarchie intermédiaire elle-même dépendante et absolument pas autonome. Est-ce un hasard si l’on a vu, ces dernières années, les recteurs et les chefs d’établissement se voir gratifiés d’une non négligeable prime de rendement destinée à leur rappeler de qui ils tiennent leur pouvoir ?

En toute logique, pour être cohérent, l’autonomie devrait s’accompagner d’un droit de regard des personnels sur le choix de leur direction, par exemple par l’intermédiaire d’une délibération du conseil d’établissement devant lequel le postulant viendrait présenter son projet. Un projet d’autant plus légitime qu’il serait en quelque sorte le fruit d’une réflexion commune. Ne rêvons pas : l’école française, habituée à deux siècles de centralisation, n’est sans doute pas prête à se défaire de ses habitudes, confortables pour beaucoup. Il n’est simplement pas interdit d’y penser.

Quant au libre choix de l’école par les parents promis dans la foulée, l’assouplissement de la carte scolaire mis en œuvre ces dernières années a montré toutes ses limites, bénéficiant surtout aux milieux aisés. Surtout, il ne faut pas cacher que si libre choix il y a, c’est surtout celui des élèves par les chefs d’établissement et non l’inverse. La boucle est bouclée…

Une école est toujours à l'image de la société qui l'engendre ; elle reflète ses valeurs, ses peurs et ses fantasmes, ses mauvais démons. Des mauvais démons qu'on a trop réveillés ces dernières années. Le racolage autour du thème des violences scolaires, qui a ouvert la porte à toutes les dérives sécuritaires, les propos abusifs sur le mérite légitimant l'exclusion des non-méritants, le piteux débat sur l'identité nationale et sa transcription scolaire avec la Marseillaise obligatoire, aujourd'hui un autoritarisme accru sous couvert d'autonomie : une entreprise de brutalisation qui ne laisse pas l'école indemne.

 


Cet article est le 1000e posté sur Journal d’école depuis sa création en avril 2005. Un blog qui n’est rien d’autre que le témoignage d’un prof sur son métier et sur d’autres sujets qui lui tiennent à cœur. Merci aux lecteurs, fidèles ou de passage, qui viennent me rendre visite. Plusieurs d’entre vous, sur leurs sites respectifs ou dans leurs publications, mentionnent ce blog ou y font référence. Je leur en suis très reconnaissant.

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