De l'illettrisme au terrorisme, c'est toujours la faute à internet
Comme tout le monde a déjà parlé de ce type, pardon de ce « professeur de lettres classiques », qui se vante d’avoir « pourri le web », trompé ses élèves, détérioré Wikipedia et j’en passe, il n’est pas nécessaire d’en laisser un lien supplémentaire. Quand on sait que Rue89 lui a ouvert toutes grandes ses colonnes (et dans le même temps refuse toutes mes contributions depuis plusieurs mois…), cela laisse songeur.
Que ce prof ait du temps à perdre, c’est son droit mais qu’il perde également celui de ses élèves est déjà plus problématique. Plutôt que de piéger les élèves, il aurait été mieux inspiré de leur apprendre à travailler avec internet, ce qui fait d’ailleurs partie de ses obligations contractuelles. A considérer le profil, j’imagine qu’il fait partie de tous ceux qui n’ont que mépris pour le socle commun (2006, déjà !) et notamment son pilier 4 sur « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication », maîtrise qui implique « l’usage sûr et critique des techniques de la société de l’information ». On ne croit pas que le prof en question ait passé beaucoup de temps à « faire acquérir à chaque élève un ensemble de compétences lui permettant de les utiliser de façon réfléchie et plus efficace » ou encore à développer chez eux « une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible [et] une attitude de responsabilité dans l’utilisation des outils interactifs ».
Combien de fois aura-t-il fait travailler ses élèves sur internet pendant les heures de cours, plutôt que de les charger d’une hypothétique « recherche » à faire à la maison ? Dans ma modeste pratique quotidienne de prof de collège, le travail sur internet se fait sur le temps de classe, malgré, d’ailleurs, les conditions matérielles difficiles : rechercher des informations consiste à les recenser, les critiquer, les classer et n’en retenir qu’un petit nombre sur des critères pertinents. Un travail qui ne peut se faire en dehors de la présence du prof dont l’aide est alors indispensable. Ce que, manifestement, on a du mal à comprendre chez les « néoprofs » - déjà bien vieux - les traditionnalistes et les thuriféraires de la « transmission ». En un mot, dans cette opération racoleuse et malhonnête, ce ne sont pas les lycéens qui sont en faute mais le prof, qui n’a pas fait son boulot.
Internet, pour quelques-uns, c’est l’enfer, un peu comme les premiers livres imprimés au 15e siècle. Pensez donc : une invention qui ouvre la connaissance à tous et libère la parole, au lieu de les laisser confisquer par un petit nombre.
Dans une logique proche, Sarkozy a trouvé le responsable des attentats de Toulouse : internet. S’il est réélu, il fera voter une nouvelle loi renforçant la surveillance de la toile, comme en Chine. Car, figurez-vous, c’est en naviguant sur internet qu’on devient terroriste.
On n’a jamais prétendu qu’internet à soi tout seul rendait intelligent mais que ses contempteurs se recrutent massivement chez les demeurés est largement attesté.
B. Girard