Beaucoup d’approximations, une bonne dose de mauvaise foi, des témoignages individuels pris pour argent comptant, un titre racoleur qui sent son Brighelli (« Une méthode à fabriquer des cancres ») : il ne faut pas compter sur ce récent article du Nouvel Obs (ici et là) pour renouveler le débat sur l’enseignement de l’histoire.
Pour dresser son tableau apocalyptique, la journaliste donne la parole à … deux élèves (sur un total de 12 millions), Lucie, 14 ans, qui place l’Everest en France et Adrien, élève de quatrième, pour qui « une plaine, c’est plat ». Il s'agit sans doute de la même classe de quatrième qui n’aurait retenu de l’année de cinquième sur le développement durable qu’une seule chose : « Il ne faut pas jeter les papiers par terre ». Si l’une des obligations du métier d’historien consiste à ne considérer un témoignage que pour ce qu’il est, un simple point de vue individuel, on voit tout le chemin qui reste à parcourir à la presse pour arriver à une semblable distanciation.
Est-il vraiment nécessaire de redonner un semblant de crédibilité à « l’historien » Casali, rendu célèbre par ses déplorations très médiatisées sur la disparition de Louis XIV et de Napoléon des programmes de collège, quoiqu’ils ils y soient toujours ? Ou encore de se complaire à cette alternative assez glauque entre la place respective accordée à l’histoire de France et aux civilisations européennes ? Il suffit de se reporter aux programmes officiels pour se rendre compte qu’en 6e, quatre heures à tout casser (10 % du temps global imparti à l'histoire) sont consacrées aux "mondes lointains" (Chine des Han et Inde des Gupta) ; en 5e, pas davantage pour l'Afrique médiévale, qui, d'ailleurs, a pris dans les nouveaux programmes la place auparavant dévolue à l'Amérique précolombienne. Au total, pour l'ensemble des quatre années de collège, huit petites heures - assez peu respectées par les enseignants – sont consacrées aux civilisations extra-européennes, alors que les programmes de collège restent très et trop majoritairement centrés sur l’histoire politique et nationale (Journal d’école, 19/04/2012).
Pour la journaliste, la « faiblesse des acquis » - qu’elle semble tenir pour allant de soi sans en avoir rien montré – tient non seulement aux programmes mais aux « prescriptions pédagogiques ». C’est du moins ce que prétendent « des professeurs ». Et quels professeurs ? Le lecteur devra sur ce sujet se contenter du point de vue de Véronique Servat, « enseignante au collège ». Ce n’est pas pour faire du mauvais esprit mais enfin puisque Claire Kepper est mentionnée quelques lignes au-dessus comme secrétaire nationale du SE-Unsa, on ne voit pas pourquoi, s’agissant de Véronique Servat, on devrait ignorer ses responsabilités au SNES, syndicat infiniment respectable mais qui ne s’est jamais signalé pour la pertinence de ses analyses en matière pédagogique.
Bref, dans cet article du Nouvel Obs, la journaliste a décidément du mal à intégrer les canons de la démarche historique.
L'article du nouvel obs est une sorte de gloubiboulga indigeste et pathétique. J'ai Passé une heure au téléphone avec la journaliste qui, si elle n'a pas trahi mes propos sur les études de cas, n'en a retenu qu'une infime partie et surtout pas celle au cours de laquelle je pointais les aspects positifs de l'ouverture des programmes de collège aux questions des traites ou de l'Afrique médiévale. Je lui ai transmis mon insatisfaction et je goute peu aux joies du shaker des opinions qu'elle semble priser ici.
Votre appréciation sur une quasi illegitimité du SNES à s'exprimer en matière pédagogique montre une profonde méconnaissance de notre travail syndical. Tout d'abord je suis devant mes classes 18 h par semaine (et 15 h depuis trois ans) et avec presque 20 ans denseignement de l'hgéo derrière moi je pense être habilitée à me prononcer sur la perspicacité de contenus et de prescriptions programmatiques. Merci de le noter. En outre, mon travail de militante syndicale s'effectue au sein du groupe "contenus histoire géo" qui ne travaille que sur les contenus d'enseignements, leur adéquation avec la recherche, leur traitement didactique, leur légitimité et leurs racines épistémologiques.
Par conséquent je trouve votre jugement pour le moins hâtif et péremptoire. Que la journaliste n'ai pas signalé que je sois au SNES et que je milite dans d'autres groupes me convient parfaitement étant donné l'indigence de sa réflexion dans ce papier particulier cela évite d'éclabousser d'autres que moi. Elle semblait pourtant au fait des problématiques de la discipline ce qui est d'autant plus regrettable.
Bien cordialement
V servat