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Journal d'école
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4 juillet 2012

Au DNB, la guerre va toujours de soi

« Rédigez un paragraphe argumenté d’une vingtaine de lignes dans lequel vous raconterez la vie des Français au front et à l’arrière durant la Première Guerre mondiale ». C’est le sujet d’histoire au DNB. Si les concepteurs de l’épreuve n’ont vraiment pas fait preuve d’imagination – en gros, selon les années, la Première Guerre alterne avec la Seconde Guerre mondiale – c’est aussi sans doute qu’ils ont de la suite dans les idées. Et ça, c’est plus inquiétant.

Avec cette question – « raconter la vie des Français durant la Première guerre mondiale » - c’est toute l’équivoque du récit historique, dernière lubie de l’Education nationale, omniprésente dans les derniers programmes d’histoire, qui se révèle au grand jour. Pour les quarante copies que j’ai eu à corriger, mais sans doute aussi pour la plupart, raconter la guerre, surtout lorsque le travail est introduit par quelques documents extrêmement réducteurs, comme c’est le cas ici, se ramène à une description de la vie quotidienne centrée sur les souffrances des combattants – les tranchées, le froid, la faim, l’éloignement des siens etc – et l’acceptation fataliste par les soldats comme par les civils d’une situation qui échapperait au commun des mortels. Les sujets du DNB sont à l’image des programmes scolaires, qui excluent la mise en perspective, le questionnement, la recherche du sens. On attend du candidat qu’il mémorise et restitue son cours.

C’est oublier qu’à l’époque, la fatalité comme élément explicatif ne trompait pas tout le monde. Par exemple, Romain Rolland, qui fait toujours de l’Education nationale l’objet d’un ostracisme obstiné : « On entend, une fois de plus, le refrain séculaire : « Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté », - le vieux refrain des troupeaux qui font de leur faiblesse un dieu et qui l’adorent. Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer les désordres de l’univers, qu’ils ont pour devoir de gouverner. Point de fatalité ! La fatalité, c’est ce que nous voulons. Et c’est aussi, plus souvent, ce que nous ne voulons pas assez. » (« Au-dessus le mêlée », septembre 1914). A près d’un siècle de distance, ce texte qui n’a pas pris une ride, ne serait-il pas davantage porteur de sens, pour des collégiens, que les sempiternels documents de propagande qui font l’objet de questions d’examen ?

Mais, après tout, n’est-ce pas cela que l’on veut éviter : faire naître la compassion pour éviter toute réflexion sur la guerre ? Quatre années de programmes d’histoire en collège, auront réussi à convaincre des jeunes de 14-15 ans que la guerre, pour horrible qu’elle soit – et encore ne leur dit-on pas tout – irait toujours de soi. Une amnésie à laquelle les exigences extravagantes de l’éducation à la Défense, particulièrement ciblées sur la classe de Troisième, ne sont sans doute pas étrangères.

Débat à suivre sur le site d’Aggiornamento.

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