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Journal d'école
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6 mai 2013

Mais pourquoi sont-ils profs ?

Bon, je sais bien que la liberté d’expression est un droit fondamental mais il y a des choses qui passent mal, comme c’est le cas lorsqu’un média alternatif ouvre inconsidérément  ses colonnes à ce qui se fait de pire. Dans le cas présent, il s’agit d’un pamphlet d’une rare violence sur les élèves, commis sur Rue89 par une enseignante parisienne qui n’a même pas le courage de signer de son nom. Un texte de Café du commerce, pourtant presque unanimement salué par des commentateurs hargneux. Cette phobie des élèves, très présente dans et autour des établissements scolaires n’est malheureusement pas une chose nouvelle. Qu’elle puisse s’exprimer aussi crûment, laisse dubitatif sur les possibilités de rénovation du système éducatif français.

Ma réponse postée rapidement en commentaire sur le site :

« Pourquoi les profs n’ont-ils plus d’autorité intellectuelle ni morale ? Pourquoi les élèves sont-ils de plus en plus arrogants et ignares ? » Etc etc. Dans un premier temps, on croit  – et on espère – qu’il s’agit du second degré ; puis à  la lecture du pamphlet, on se rend compte que non. Et c’est affligeant.

« L’enfant roi …, les punitions disparaissent … » Comment des profs qui connaissent un peu leur métier peuvent-ils se laisser aller à de telles contrevérités, alors que le système scolaire français est réputé pour être l’un des plus punitifs qui soient. Regardez simplement la mine effarée des jeunes Européens qui débarquent dans nos classes à l’occasion d’un échange scolaire : d’un aveu unanime, aucun d’entre eux ne souhaiterait étudier dans un pays où l’arrogance, le mépris, la brutalité des adultes envers les élèves tiennent lieu de compétence pédagogique.  Une étude menée sur l’année 2011 sur la Seine-Saint-Denis (je n’ai pas la référence sous le coude,  je pourrai la retrouver) montre qu’à la fin de l’année, seuls 4% des élèves n’avaient pas été punis ! En France, la punition est la règle, la norme. Lorsqu’un enseignant donne une punition « injuste » - cela peut arriver, personne n’est parfait – peut-être pourrait-il s’en excuser, au lieu de s’en faire un titre de gloire.

Un climat d’établissement dégradé, c’est presque toujours le résultat de l’absence de considération des adultes pour leurs élèves, liée, très souvent à une incompétence pédagogique notoire. Depuis plusieurs décennies, contrairement à ce qui est proclamé un peu partout, la discipline scolaire se fait toujours plus punitive, les règlements scolaires s’allongent au point d’en être ridicules, « l’outrage à enseignant » est devenu un délit pénal passible de prison, sous les applaudissements des syndicats les plus réactionnaires, les plus obtus (le Snalc, le Snes, pour ne pas les nommer).  La droite, l’extrême-droite et une partie de la gauche renchérissent sur le thème de « l’autorité perdue » des maîtres, une dialectique qui cache mal leur regret d’une époque perdue, quand les études étaient réservées aux élèves des milieux favorisés… les seuls que les profs pouvaient comprendre.

Le discours punitif, c’est aussi un discours de classe. Il vaudrait mieux avoir le courage de le reconnaître.

 

B. Girard

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Commentaires
B
Merci pour votre témoignage. Il existe un sérieux problème de relations entre profs et élèves et je ne pense pas que ces derniers en soient responsables. Ce que vous dites dans les quatre dernières lignes me paraît très bien observé.
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P
Bonjour ! J'étais tombée sur cet article de Rue89 et ai été, en tant qu'élève, plutôt choquée. J'ai fréquenté des établissements très différents : ZEP, publics ordinaires, un privé laïc et un collège catholique. J'ai toujours été intéressée par la plupart des disciplines et ai souhaité apprendre des choses, même lorsque mon mauvais caractère d'adolescente réclamait bavardages et absences. Et malgré mes efforts, je n'ai jamais eu de bonnes relations avec mes profs. J'étais trop concise ou trop prolixe, présomptueuse ou en-deçà de mes capacités, fegnasse ou trop rapide par rapport aux autres élèves. J'ai essayé de discuter avec mes professeurs chaque année après les cours, de leur faire rencontrer mes parents (qui n'étaient d'accord pour me défendre que s'ils étaient réellement en tort contrairement aux dires de l'auteur de l'article) mais rien n'a pu être changé. Tous avaient des a priori négatifs à mon sujet (exceptées quelques professeures de français qui ont été formidzbles avec moi) et nul ne souhaitait me soutenir dans mon projet d'orientation (vœux non envoyés au Rectorat, papiers détruits ou perdus, mauvaises appréciations sur mon bulletin, ajouts de 0 illégitimes pour diviser ma moyenne). En bref : j'ai une très mauvaise expérience du lycée et du collège. J'ai l'impression que les professeurs se tournent vers ce métier soit par peur de quitter l'école, soit pour flatter leur ego. Prière de ne pas oublier le public, des élèves adolescents issus de milieux socio-culturels divers, qui constituent 80% du travail d'un professeur. Si ce dernier est agréable, ses élèves le seront. Il n'y a pas de mystère.
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T
Bonjour ! Je suis d'accord sur le fait que si les élèves semblent de plus en plus difficiles à gérer, c'est aussi parce que les professeurs sont démobilisés, désabusés, démotivés. Et ils ont toutes les raisons de l'être ! Regardez l'exemple montré par nos élites, regardez le marché du travail moribond vers lequel on envoie nos enfants, regardez les valeurs de nos jours : gagner de l'argent, accéder à un poste de responsable je ne sais quoi, devenir star de la télé réalité, acheter une grosse voiture, le tout en écrasant le concurrent. Voilà. Bref, un beau cercle vicieux, des élèves perdus face à des profs tout aussi perdus, ça finit en eau de boudin. Bonne journée !
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L
Il est clair qu'il faut réinterroger la relation pédagogique. La société s'individualise, pour le pire, mais aussi pour le meilleur. Chacun peut en penser ce qu'il veut, les faits sont là, et les pratiques "punitives" et "descendantes" d'antan ne fonctionnent plus, ne fonctionneront plus jamais.<br /> <br /> <br /> <br /> Quand on en arrive à déverser sa rancoeur au point de cette enseignante anonyme, c'est qu'il y a un malaise profond. Celui d'une inadéquation fondamentale entre le professionnel et sa mission. Depuis des années qu'on le dit et l'écrit partout, il faut inlassablement le répéter : les enseignants ne sont ni sacrés ni intouchables (d'ailleurs, l'ont-ils déjà été ailleurs que dans le fantasme ? Quand on relit le Petit Nicolas, pas exemple, j'ai un léger doute). Ce sont des professionnels qui doivent avoir des attitudes professionnelles (et une formation en conséquence), faute de quoi ils se condamnent à la rancoeur et à l'impuissance. Ce n'est bon ni pour l'institution, ni pour les élèves, ni pour eux.
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B
Bonsoir,<br /> <br /> <br /> <br /> Je crois que vous ne considérez les choses que depuis votre petit observatoire là-haut, et que vous êtes très à côté de la plaque : "le système français"... que l'on ne peut comparer, parce que cela n'a pas de sens... Il y a une réelle crise des valeurs chez nous. Si certains se délectent dans le punitif, c'est tant pis pour eux, c'est malheureux pour leurs élèves surtout... Mais les enseignants, comme les médecins ou les commerçants et tous ceux qui sont en contact avec le français moyen, savent bien que la crise morale surpasse la crise économique ou politique. Les français réclament, exigent, mais n'éduquent pas leurs chers enfants, parce qu'ils en sont incapables intellectuellement sans doute, parce qu'ils sont médiocres et attentistes surtout. Vous parlez du secondaire certainement, je comprends votre ras-le-bol, j'imagine aussi les punitions ineptes qui ne mènent à rien. Mais bon, au-delà des chiffres qui ne veulent de toutes façons rien dire, il y a le respect... Et ça, pour une fois, je dirais que d'autres pourraient nous donner la leçon (mais non, en France, il y a aussi des enseignants bienveillants qui semblent moins rigides qu'ailleurs en Europe...). Arrêtons de tirer sur notre école à longueur de temps !
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