Pas seulement une histoire de jupe
On aurait pu en rire, de ces mines affolées, de ces discours frénétiques qui ont accompagné l’initiative de quelques lycéens nantais engagés contre la discrimination. Mais la pantalonnade à laquelle elle a donné lieu en dit long sur la déliquescence du débat public.
L’Education nationale aurait donc demandé aux élèves d’arriver vendredi en jupe à leur lycée ? Que Le Figaro ait cru bon faire ses gros titres sur une information inventée de toutes pièces est bien dans la ligne de ce journal mais qu’un ministre de l’EN ait été tenu, devant l’Assemblée nationale, de démentir un ragot et, ce faisant, de lui donner un semblant de sérieux, c’est déjà plus problématique.
Jeudi et vendredi, la Manif pour tous est à nouveau descendue dans la rue, devant les lycées concernés, avec la prétention d’y faire interdire les activités programmées de longue date dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes. Interdire ! Ces derniers mois, l’intégrisme et l’intolérance, sous ses différents visages, ont multiplié les tentatives d’intimidation : contre des films (« Tomboy »), des pièces de théâtre (« Oh boy », au Théâtre national de Chaillot), des livres, des formations. Les pressions se multiplient, dirigées contre la liberté d’expression, la liberté de conscience, exercées par des groupuscules qui visent clairement à imposer leur façon de penser à toute la société. Ce qu’on appelle l’ordre moral.
Facteurs aggravants : la timidité d’un gouvernement qui n’en finit pas de reculer, quel que soit le terrain (les rythmes scolaires, la prérentrée !) et des médias complaisants, prêts à colporter n’importe quoi, pourvu que ça fasse du bruit. Dans le viseur de ce qui ressemble à une tentative de subversion de la société par une idéologie brutalement réactionnaire : l’école et le système éducatif.
Une poignée de lycéens dans les rues de Nantes, ce n’est peut-être pas suffisant pour y faire face. Ils étaient où leurs maîtres ?
B. Girard