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Journal d'école
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7 septembre 2015

Réfugiés : obsessions françaises

Au cours de l’université d’été du FN, Le Pen a consacré plus de la moitié de son intervention à la question migratoire. Quelques milliers ou dizaines de milliers de personnes en plus dans un pays de 65 millions d’habitants, il faut croire que ça la perturbe mais elle n’est malheureusement pas la seule. Ces derniers jours, passée l’émotion suscitée par les photos – comme si, auparavant on ne savait rien, comme si Aylan était le premier à mourir dans la Méditerranée – les politiciens français dans leur ensemble ont fait assaut de faux-fuyants, de circonvolutions pour se défausser de leur responsabilité sur la question des réfugiés. Bien sûr, il y a des nuances et, de ce point de vue, rien ne différencie la droite classique de l’extrême-droite, mais il faut bien convenir que la gauche ne s’est guère montrée plus ouverte, plus lucide, en comparaison de ce qu’on a pu voir, par exemple ce week-end en Allemagne.

Dans ce contexte de repli sur soi, les mâles déclarations venues d’un peu partout, là encore de droite comme de gauche, sur la nécessité d’une intervention militaire en Syrie - de "frappes", comme disent nos petites frappes en costume trois pièces - ont toutes les apparences d’un leurre destiné à détourner l’attention du drame humanitaire qui se joue dans la Méditerranée. Des Rafale en action, des communiqués militaires, ça fait tout de suite beaucoup plus d’effet au JT de 20 heures que ces cohortes de réfugiés qui s’entassent dans des camps. C’est le signe qu’on n’est pas indifférent, qu’on agit, même si, ces dernières décennies, aucune intervention militaire étrangère au Moyen Orient ne s’est traduite autrement que par un échec et par une aggravation des tensions… sans oublier les bénéfices, c’est vrai, pour l’industrie d’armement. Dassault aussi réclame des "frappes".

En réalité, ce que confirment les événements des derniers mois, c’est l’obsolescence des représentations politiques traditionnelles qui ne permettent plus de comprendre le monde d’aujourd’hui. A ceux qui croyaient ou voulaient faire croire que l’interconnexion de toutes les parties du monde et le libéralisme des échanges ne concernaient que les marchandises, l’arrivée en Europe de réfugiés qui fuient la guerre et la dictature apporte un sérieux démenti : les frontières ont fait leur temps. En ouvrant timidement leurs portes, les pays d’Europe ne font d’ailleurs qu’appliquer un principe garanti depuis 1948 par la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. » On avait sans doute oublié cet article 14.

Ce que dévoile également cet épisode, c’est à la fois la vanité et la brutalité de la crispation identitaire que les politiciens, toutes tendances confondues, ont cru bon d’enclencher. L’identité nationale comme garant exclusif de la solidarité, le patriotisme réintroduit dans les programmes scolaires, la « guerre des civilisations » avancée comme élément explicatif à propos de tout et de n’importe quoi, et son corollaire les interventions militaires, la surveillance de masse des individus etc, tout concourt à entretenir un sentiment de peur et de repli sur soi. Prendre le train de l'histoire ou se laisser enfermer dans une impasse ?

 

B. Girard

 

 

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