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17 juillet 2016

Après l'attentat : réactions ubuesques, certes, mais tellement dans l'air du temps

Quelque part entre (tristes) comiques qui s’ignorent et (vrais) charognards qui se nourrissent du sang des victimes pour satisfaire leurs médiocres ambitions carriéristes : les réactions d’une large partie de la classe politique à l’attentat de Nice en disent long sur l’air du temps et, plus généralement, sur la déliquescence d’un régime dénaturé par le populisme.

Dans ce concours Lépine de l’éradication du terrorisme, difficile de désigner un vainqueur, tant les candidats sont nombreux et pleins d’imagination. En vrac, on citera :

- Guaino : « Il suffit de mettre à l’entrée de la promenade des Anglais un militaire avec un lance-roquettes et il arrêtera le camion. » A défaut d’empêcher Guaino de parler…
- Lefèbvre, qui propose l’instauration de l’état de siège et le transfert du pouvoir civil aux autorités militaires. Comme à Alger à l’époque de Massu.
- Myard réclame, quant à lui, l’interdiction totale et immédiate du voile sur le territoire national.
- Ciotti recommande de « s’inspirer d’Israël » pour rétablir l’ordre. C’est vrai qu’un pays qui, depuis sa création il y a près de 70 ans, n’a jamais connu la paix, ne peut être qu’un modèle à suivre.
- Copé demande la création de 20 000 policiers et gendarmes, 10 000 policiers municipaux, 10 000 magistrats et gardiens de prison, 10 000 militaires. Et combien d’infirmiers psychiatriques ?
- Pour Fillon, l’annonce par Hollande de la fin de l’état d’urgence n’a pu qu’inciter le terroriste à passer à l’acte.
- Le Maire (de la droite modérée et raisonnable…) réclame le doublement du budget militaire. Un budget annuel de près de 40 milliards d’euros pour la défense (le plus élevé en Europe après la Russie), 300 000 militaires, sans oublier la bombe atomique qui fait la grandeur de la France : tout cela est notoirement insuffisant pour neutraliser une poignée de terroristes.
- Enfin, mais la liste n’est pas close, chacun retient son souffle à l’écoute des fortes paroles de Sarkozy qui « attend le moment de dire les choses ». Par exemple des révélations sur son copinage avec Kadhafi, puis son lâchage qui laissera la Libye à feu et à sang, préparant ainsi le terrain à l’état islamique ?

La moins excentrique reste encore Le Pen qui n’a d’ailleurs pas besoin de beaucoup s’exprimer ni même de faire campagne dans la perspective des prochaines présidentielles : les autres la font pour elle.

Si l’outrance, si le ridicule tuaient, le champ politique serait depuis longtemps débarrassé de ces bavards sans scrupules, libéré et ouvert à une autre vision de l’action publique, à d’autres horizons, à une autre perception du monde. Ce n’est malheureusement pas le cas, non seulement parce que la violence des attentats, leur amplification médiatique (ces images d’attentats, quel bonheur pour les journaux télévisés…), sidèrent l’opinion publique plus qu’ils ne la font réfléchir mais aussi parce que ces réactions s’inscrivent globalement, à quelques éléments de langage près, dans la continuité de l’action gouvernementale - quelle que soit la couleur du gouvernement – et de l’indéracinable croyance dans les vertus de la guerre, extérieure et intérieure, pour régler un problème où pourtant elle a déjà montré toutes ses limites. Pour absurde que soit la proposition de Guaino de déployer des lance-roquettes dans les rues, l’est-elle davantage que celles qui consistent à faire parader le Charles-de-Gaulle dans les eaux du golfe Persique, à envoyer des troupes un peu partout de l’Afghanistan en Centrafrique, à entretenir les tensions par des contrats d’armements conclus avec les régimes les plus brutaux et les plus autoritaires et, finalement, à considérer que la « grandeur de la France » serait fonction de son budget militaire et de ses interventions répétées dans le monde arabe, où, vieux réflexe colonisateur, elle a toujours tendance à se considérer comme chez elle ?

Orgueil national, pouvoirs sans limites d’un monarque républicain, même si, le plus souvent il tourne à vide, conviction que la force prime tout le reste, incapacité maladive à comprendre la complexité du monde : un penchant largement répandu dans l’opinion publique et chez ses représentants de toutes tendances. Ce qui laisse peu optimiste pour la suite : de fait, en dépit de leurs conséquences désastreuses, les proclamations guerrières occupent sans partage le terrain et le contre-discours peine toujours autant à se faire entendre.

 

Voir aussi sur Mediapart

 

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