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Journal d'école
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10 juillet 2017

Antisémitisme, enseignement de la Shoah : entre histoire et manipulation

« Les manifestations de l’antisémitisme peuvent inclure le ciblage de l’Etat d’Israël » : dans une résolution en date du 1er juin dernier, dont le but officiel – et honorable – est la lutte contre l’antisémitisme, le Parlement européen dérape sérieusement, assimilant la critique, pourtant légitime, de l’état israélien et de son gouvernement à une forme d’antisémitisme.

Cette assimilation hasardeuse (critique d’Israël = haine des Juifs)  à laquelle se livre le Parlement européen est la marque d’un détournement de la lutte contre l’antisémitisme, couplé à une instrumentalisation de la shoah, une dérive devenue courante ces dernières années, notamment en France, où elle cible, à travers une certaine partie de la jeunesse, le système éducatif dans son ensemble.

Ce fut par exemple Claude Goasguen le 2 février 2015, lors de la soirée de gala d’une association juive, le député LR de Paris évoquant alors « cette Shoah terrible qu'on n'ose plus enseigner dans les lycées tant on a peur de la réaction des jeunes musulmans qui ont été drogués dans les mosquées ». Cette accusation grossière portée contre l’école qui ne jouerait plus son rôle dans la transmission de l’histoire - une rengaine lassante – devait une nouvelle fois servir de toile de fond à la commémoration, tout au long de l’année 2015, du 70e anniversaire de la libération des camps nazis. Une commémoration polluée par les arrière-pensées et les petits calculs politiciens.  Ainsi, sur le même registre, Bruno Le Maire accusait tout bonnement l’Ecole d’être responsable des diatribes antisémites de Dieudonné et plus généralement de la banalisation du racisme, car « en matière d’éducation – avançait-t-il sentencieusement – nous avons failli. » On se souvient surtout d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, quelques jours après les attentats de janvier 2015, au cours de laquelle un Premier ministre surexcité – Valls évidemment  – s’était laissé aller : « Que 70 ans après on crie de nouveau mort aux juifs dans les rues de Paris (…) que 70 ans après, à l’antisémitisme traditionnel naisse un autre antisémitisme sur fond de misère, sur fond d’antisémitisme, sur fond de haine d’Israël, sur fond de rejet de l’autre, c’est [contre quoi] nous devons nous rebeller. » Un lien direct entre les camps de la mort et la critique d’Israël : de fait, c’est un chef de gouvernement prétendument responsable qui se livrait à ce grossier amalgame.

Cette confusion des genres autour d’un épisode de l’histoire – le génocide des Juifs – trouve, pour ceux qui l’entretiennent, son prolongement naturel et finalement sa logique dans la mise en accusation de toute une catégorie de la population française constamment ramenée à son origine d’outre-Méditerranée. Une dialectique dont un certain nombre d’intellectuels – ou réputés tels - médiatiques se sont fait une spécialité… et souvent un fonds de commerce, tant le thème est vendeur. Georges Bensoussan, pour ne citer que lui (la raison de ce choix dans quelques lignes à la fin de l’article) est intarissable sur le sujet.  Dans un entretien accordé en 2014 au Service de protection de la communauté juive, intitulé « Antisémitisme et milieu scolaire », il reprend sans guère la renouveler  la rhétorique inaugurée quelques années plus tôt dans les Territoires perdus de la république. Georges Bensoussan expose sa philosophie de l’histoire : « on ne peut comprendre la France d’aujourd’hui sans référence à l’histoire culturelle après la vague de peuplement qu’elle a connue, venue d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. » Vous suivez ? Et pour qui n’aurait pas tout compris : « Le relais principal [de l’antisémitisme] est d’ordre démographique : c’est l’arrivée en France depuis près de quarante ans d’une nombreuse population maghrébine qui modifie les rapports de forces. » Tout au long de ses analyses, de ses multiples interventions sur le sujet, il reconstruit le passé à l’aune de ses obsessions : s’il ne nie pas qu’il ait existé un antisémitisme français traditionnel, natif, c’est pour ajouter : « aujourd’hui l’antisémitisme n’est plus là. Vichy est derrière nous. » Il en viendrait presque à nous convaincre que la situation des juifs en France sous Vichy était préférable à celle d’aujourd’hui… En tout cas, sa nostalgie est vive pour un passé « où l’amour de la langue, de l’histoire, du paysage […] charpentaient [les Français] ». Des Français tellement bien charpentés qu’ils soutiendront massivement et sans état d’âme en 1940 un régime politique qui collaborera avec les nazis à l’extermination des juifs. A Beaune-la-Rolande, à Pithiviers, à Drancy, camps de transit et d’internement où des milliers de juifs attendaient le départ pour Auschwitz, ce ne sont pourtant ni des Arabes ni des Africains qui les faisaient monter dans les trains mais des gendarmes français, sous le regard indifférent de braves gens « bien charpentés » comme les aime Bensoussan.

Entre le génocide de l’époque nazie et l’immigration africaine, pour Bensoussan, la ligne est directe. Or, il se trouve que ce même Bensoussan collabore, le plus officiellement du monde, avec la bénédiction de l’Education nationale, à la transmission de l’histoire de la Shoah aux établissements scolaires : cette année encore, il intervient en tant que responsable éditorial du Mémorial de la Shoah dans le cadre de l’université d’été organisée conjointement avec l’APHG (Association des professeurs d’histoire-géographie) et principalement destinée aux enseignants. Bensoussan est-il alors le plus qualifié pour évoquer cette période de l’histoire ?  Est-il vraiment légitime ?

L’histoire de la Shoah est une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux manipulateurs.

 

Voir aussi sur Mediapart

 

 

 

 

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