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Journal d'école
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2 décembre 2018

Lycéen.nes, gilets jaunes : ce n'est pas le même combat

Dans le contexte actuel, lancer un mouvement lycéen n’est pas une chose facile, il y faut même un certain courage. Les premiers à être descendus dans la rue ont pu s’en rendre compte, confrontés aux habituelles violences policières, en bute à la non moindre traditionnelle hostilité, à la malveillance des chefs d’établissements et d’une proportion non négligeable d’enseignants. Dans cette première vague de manifestants, certains – mais pas tous – ont pu se laisser tenter par la perspective d’actions communes avec les gilets jaunes dans le cadre d’une très hypothétique « convergence des luttes ». Il ne faut pourtant pas se tromper de combat.

On a beau chercher, observer sous tous les angles la rhétorique gilets jaunes, on n’y trouve nulle préoccupation touchant de près ou de loin non seulement à la réforme du lycée, à celle de l’orientation, au centre de la contestation lycéenne, mais plus largement un début de critique de la politique éducative menée depuis 18 mois : sélection sociale renforcée, mise au pas à tous les étages du système éducatif par des prescriptions brutales, autoritaires, aux relents d’ordre moral. Car la réforme du lycée ne vient pas de nulle part, elle est l’aboutissement d’un programme idéologique mis en œuvre dans un premier temps à l’école primaire avant de s’étendre à l’ensemble du système. Or, c’est peu dire que cette politique n’a guère suscité d’opposition : sur le terrain, hostilité limitée à la mouvance pédagogique et à quelques mouvements éducatifs mais dans l’opinion publique, grossièrement trompée par un ministre manipulateur et des médias peu regardants, approbation ou complaisance pour l’action du ministre. Dans l’opinion publique… et, bien sûr, chez les gilets jaunes dont les revendications de justice sociale ne s’encombrent pas d’analyse sur les mécanismes de l’injustice sociale.

De même, alors que le SNU commence timidement à poindre dans les préoccupations lycéennes, il sera difficile pour les jeunes de rallier à leur cause une opinion (gilets jaunes compris) et des partis politiques massivement favorables à leur encasernement.

Une convergence d’action avec les gilets jaunes est d’autant plus aléatoire que ce mouvement, indépendamment de son point de départ, limité au prix des carburants, se trouve gangrené non seulement par des débordements franchement sordides, carrément fachos, mais également par des considérations bassement (et dangereusement) politiciennes qui lui font perdre sa légitimité et une bonne partie de sa crédibilité. Parce que la rue n’est pas le peuple et qu’une addition de revendications ponctuelles ne fait pas un projet politique, encore moins société. Tout aveuglés par la prise du pouvoir, un certain nombre de partis politiques se sont lancés dans une surenchère dont les conséquences ne sont pas difficiles à deviner : dans un pays où les 2/3 de l’électorat votent sans état d’âme pour la droite et l’extrême-droite, faire de la démission des autorités l’aboutissement suprême de la contestation est proprement irresponsable. Si Macron devait « dégager », pour reprendre la terminologie à la mode, ce ne serait pas pour laisser la place au « peuple » mais à un régime encore plus brutalement réactionnaire. A gauche et, tout spécialement, dans une fraction de la gauche au verbe haut, on peut se gargariser de mots – insurrection, révolution, explosion populaire etc – ou de références pseudo historiques mais surtout anachroniques, il faudra bien que les leaders viennent un jour expliquer au « peuple » pourquoi, en France, depuis trop longtemps, tout mouvement de contestation sociale ou politique tourne à sa confusion. L’impressionnant appareil répressif à la disposition de l’état n’explique pas tout ; il y a surtout, derrière, une incapacité évidente à imaginer un changement de société autrement qu’à travers la conquête du pouvoir et l’exercice du pouvoir.

Les jeunes des lycées et les autres, embarqués dans une remise en cause légitime du système de formation et de l’avenir qui leur est imposé n’ont rien à gagner dans un mouvement qui ne s’intéresse à eux que dans la mesure où il peut en tirer profit. Dans le cadre d’une Education nationale malade de son fonctionnement hiérarchique, vertical, des injonctions à appliquer les ordres, ils ont, à leur niveau, au sein des établissements, suffisamment d’imagination pour faire bouger les choses. A condition de se méfier de leurs aînés, bonimenteurs de profession.

 

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Commentaires
U
Réunion de début d'année scolaire au collège. Les parents présents ne sont guère que le tiers de la classe de mon gosse. <br /> <br /> <br /> <br /> On peut râler, bien sûr, mais. La réunion est à 17h30. Combien ne peuvent se libérer à cette heure ? Et si la réunion était à 19 heures, combien sont épuisés par une journée de boulot pour se taper encore une réunion ? Le collège draine une aire urbaine mais aussi périurbaine très étendue et les plus éloignés ont une petite demi-heure de voiture pour venir. Il y aurait ainsi de très nombreuses remarques à faire si l'on voulait être juste et objectif avant de râler. <br /> <br /> <br /> <br /> Il y a des fachos chez les gilets jaunes. Bah oui. Je n'ai aucun goût pour les fachos. Il y a 25% d'électeurs de Latrine La Haine à Force Ouvrière selon une étude parue récemment. Et la proportion est paraît-il similaire à la CGT. À l'UNSA les "identitaires", c'est ainsi qu'ils se définissent, sont nombreux voire très nombreux. Une copine prof, qui vit dans une ville marquée à droite, me dit que ces identitaires sont hégémoniques à l'UNSA tant dans son lycée que dans sa ville. Est-ce que cela condamne pour autant le syndicalisme ? Je ne peux pas condamner les gilets jaunes parce qu'il y a des fachos. J'y vois aussi bien des gens qui ne se chauffent guère parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer du fioul...<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes dans une discussion bien difficile où l'on peut trouver de bons arguments pour aller vers ici comme vers là... <br /> <br /> <br /> <br /> Ce que je préfère dans ton billet est cette notion qui structure sans aucun doute des décennies de déconfiture : "une incapacité évidente à imaginer un changement de société autrement qu’à travers la conquête du pouvoir et l’exercice du pouvoir." Je ne connais pas un parti ou un mouvement prêt à réfléchir à cela. Même les micro-partis et même les mouvements syndicaux ou associatifs pensent que la prise du pouvoir est la première étape à franchir...
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