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Journal d'école
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9 février 2019

Mediapart et les gilets jaunes : la course à l'abîme (2)

Rien de nouveau : il y a un mois, je déplorais dans un billet de blog que « l’actualité gilets jaunes [fasse] l’objet sur Mediapart de pratiques journalistiques et de choix éditoriaux dans lesquels le lecteur ne reconnaît pas le journal auquel il s’est abonné. » Ce soutien inconditionnel aux gilets jaunes s’étant même renforcé, sans aucune explication de la rédaction, l’information virant à la propagande, j’en tire les conséquences pour ce qui me concerne.

Ces derniers jours, deux épisodes m’ont particulièrement choqué : d’une part, la délocalisation de Mediapart au QG des gilets jaunes à Commercy puis, plus récemment, la manifestation de soutien des gilets jaunes, drapeaux tricolores déployés, devant les locaux de Mediapart. Cette initiative venant d’un mouvement qui, depuis trois mois, poursuit, menace et agresse des journalistes, n’a manifestement pas troublé outre mesure leurs collègues de Mediapart qui, sans honte, se sont joints au rassemblement. Pour justifier ces exactions à répétition, l’un des leaders du mouvement n’avait pas craint d’affirmer qu’il était « temps que les journalistes comprennent… » (sic). Ceux de Mediapart ont manifestement compris le message. Inutile de tromper le lecteur : pour les gilets jaunes, l’affaire Benalla n’est ici qu’un prétexte. Leurs applaudissements s’adressent en réalité à un journal qui, depuis le début, leur manifeste un indéfectible et aveugle soutien. Car en dépit des fanfaronnades du fondateur de Mediapart, il faut aujourd’hui bien davantage de courage pour dénoncer le mouvement des gilets jaunes, que pour entretenir une campagne obsédée contre Macron. Mais ce courage, cette lucidité, on ne les trouve plus sur Mediapart. Que l’on comprenne bien : il ne s’agit pas de reprocher à Mediapart son engagement – c’était même la raison d’être de mon abonnement – mais, par son traitement partiel, partial, à sens unique et trop souvent malhonnête de l’information, par sa couverture volontiers violente, hystérique (la relation des manifs du samedi aux allures de communiqués de guerre…), caricaturale de l’événement, de s’être fait le porte-parole quasi-officiel des gilets jaunes, la voix des gilets jaunes, comme on disait autrefois la voix de la France.

En faisant le choix d’une interprétation confortable et idyllique des gilets jaunes – celle d’un mouvement social, d’une révolte populaire – pourtant démentie semaines après semaines par les faits (il y a quelques jours encore, le fiasco d’une grève annoncée comme générale et illimitée), en usant et abusant d’une rhétorique pseudo révolutionnaire complètement déconnectée de la réalité et de références prétentieusement historiques alors qu’elles sont surtout anachroniques, Mediapart a délibérément occulté la dimension identitaire, raciste, d’une mouvance inspirée par l’extrême-droite, née à l’extrême-droite, dont l’objectif clairement affiché est de renverser par la violence les dirigeants élus et d’offrir le pouvoir à Le Pen… considérée, finalement, comme un moindre mal. Mû par une même haine puérile et pathologique de Macron qui dispense de toute analyse, Mediapart, finalement, fait sienne l’opinion déjà développée dans ses propres colonnes (!) par Eric Hazan : « les ennemis de mes ennemis sont un peu mes amis… » De fait, alors que l’autre soir les gilets jaunes acclamaient la rédaction de Mediapart, le vice-premier ministre italien, l’un des chefs de file de l’extrême-droite du pays, recevait chaleureusement les mêmes gilets jaunes, les mêmes encore qui, le lendemain, faisaient l’objet de l’émerveillement sans limite de Steve Bannon : « les gilets jaunes… inspiration pour le monde entier ». Inspiration pour Mediapart également. Une dérive éditoriale cohérente, d’une certaine façon, avec les analyses de Zeev Sternhell, qui, pointant au début du 20e siècle les multiples passerelles entre extrême-gauche et extrême-droite (« le glissement à droite d’éléments socialement avancés mais fondamentalement opposés à la démocratie libérale ») fait de la France une terre d’élection pour l’extrême-droite. Un siècle plus tard, on y est à nouveau. Alors que la question n’est plus de savoir si oui ou non le RN accédera un jour au pouvoir mais plus simplement quand il y arrivera, Mediapart, aveuglé par ses certitudes, aura joué, de sa place, le rôle de passeur, de facilitateur. Avec beaucoup d’autres, certes, mais ce n’est pas une excuse.

Une dernière observation, plus personnelle, pour faire part de mon écœurement devant ce flot d’injures et d’insultes personnelles qui, régulièrement, systématiquement, envahissent les commentaires. De courageux anonymes, postant tous de la même adresse (il faut un dessin ?) poursuivent de leur vindicte tous ceux qui, par malheur, ne partagent pas leur point de vue, celui du grand chef. Vue de l’extérieur, de ma modeste place de lecteur, cette habitude, dont Mediapart et sa modération (existe-t-elle ?)  semblent se satisfaire, paraît comme la manifestation d’une sorte de phagocytose dont ce journal aurait été la cible, avec succès. Dans d’autres temps, croyait-on, ou en d’autres lieux, on parlait également d’entrisme. Cette brutalisation du débat politique, ces vociférations à n’en plus finir, ces procès pour non-conformité idéologique, ces litanies indéfiniment répétées, ces paroles qui tournent à vide, ces pires travers du passé qui refont surface : c’est à cette gauche-là que Mediapart, depuis plusieurs mois, a confié sa ligne éditoriale.

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