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Journal d'école
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8 janvier 2021

« Le fiasco Blanquer » : un fiasco, certes mais pas où le voit Saïd Benmouffok

« Le fiasco Blanquer » : beaucoup de banalités dans ce petit bouquin (le Café pédagogique en assure la promotion) dont l’auteur, Saïd Benmouffok, conseiller de la maire de Paris, maîtrise surtout l’art d’enfoncer les portes ouvertes. Un auteur auquel il aura fallu presque quatre ans pour prendre la mesure de la politique mise en œuvre par l’ancien Dgesco de l’époque Sarkozy qui, à sa nomination en mai 2017, n’était quand même pas un inconnu. Autoritarisme, populisme, conservatisme : tout était annoncé dès ce moment par la présence autour du ministre d’une camarilla dont l’installation ne laissait aucun doute sur la suite. Pour être tout à fait honnête, il faudrait également rappeler le soutien tacite ou la complaisance d’une bonne partie des personnels de l’EN pour un ministre qui a su les flatter avant de s’en faire détester : semaine de 4 jours en primaire, réforme du collège mise sous l’éteignoir, dénonciation du « pédagogisme », interdiction du portable etc. Peut-être après tout n’aurait-il fallu qu’un petit coup de pouce sur leur rémunération pour que Blanquer s’assure définitivement le ralliement (ou le silence, ce qui à l’EN, revient au même) d’une bonne partie des profs…

Mais les contresens ou les contre-vérités, intentionnels ou non, de Saïd Benmouffok sont d’une autre nature. Ainsi, à propos de la remise en cause de l’éducation prioritaire qu’il dénonce comme étant « proche du discours identitaire », alors que, précisément, le discours identitaire est le socle du blanquerisme (programme d’histoire, EMC, laïcité, SNU, dont, au passage, l’auteur ne dit pas un mot).

Dans la réforme du bac, l’auteur critique surtout sa « désacralisation », la perte de son « caractère national » : c’est négliger un peu facilement que le « caractère national » n’a jamais empêché la sélection des élèves sur des critères sociaux et/ou ethniques et qu’au lycée comme ailleurs la référence au « national » est synonyme d’uniformité plus que d’égalité.

De façon significative, après beaucoup d’autres, Saïd Benmouffok voit dans Blanquer un « libéral opposé au service public », témoignant d’une mauvaise foi très répandue qui interdit de penser l’impensable : en réalité, la posture national-autoritaire du ministre n’est pas radicalement nouvelle, son autoritarisme, sa dimension identitaire, sa forte connotation nationale, ne faisant qu’amplifier – et encore – la politique de ses prédécesseurs. Dans une note de blog du 15/01/2020, j’écrivais :

« Rapportée au temps long ou moyen de l’histoire du système éducatif, la politique de Blanquer n’a sans doute rien de spécifiquement nouveau (encore moins d’historique, contrairement à l’image qu’il cherche lui-même à en donner…) : son autoritarisme (le contraire de l’autorité), son incapacité à écouter, son absence totale d’empathie et de respect, sa conception réductrice du service public confondue avec l'exigence d'obéissance de ses agents, ne tranchent pas fondamentalement avec les méthodes de ses prédécesseurs, s’inscrivant au contraire dans une tradition centralisatrice, abusivement étatique, qui remonte à loin et qui n’a été que rarement remise en question. »

Tout à la sacralisation du bac et de l’école, Saïd Benmouffok ne pouvait évidemment échapper à celle de la république avec laquelle la politique de Blanquer serait en rupture : « … il faudra retourner à la source de l'école républicaine : l'émancipation et l'égalité. Il faudra retrouver une ambition pédagogique qui a disparu en s'appuyant sur les pédagogies de la coopération. »

Une  antienne républicaniste, tellement à la mode aujourd’hui qu’elle en a perdu tout son sens,  mais qui permet toutes les récupérations, en particulier celle qui voit dans l’école dite « de la république » un modèle d’émancipation et d’égalité, quand son histoire montre le contraire : la république, comme l’Eglise avant elle, ayant fait de l’institution scolaire un outil au service d’un ordre politique qui a toujours redouté comme la peste l’émancipation des individus.

 

Capture 08012021

 

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